jeudi, mai 2
Kirsten Dunst, dans  « Civil War », d’Alex Garland.

L’AVIS DU « MONDE » – À VOIR

Le quatrième long-métrage réalisé par Alex Garland renvoie à une sous-catégorie bien définie du cinéma hollywoodien qui eut son heure de gloire il y a quelques décennies. Une sous-catégorie dont la particularité consistait en une manière de mêler les conventions de l’aventure violente avec une manière de réfléchir sur celle-ci, ou, plus exactement, de maintenir une forme de distance avec elle, d’y associer un certain rapport au politique et à l’histoire contemporaine tout autant qu’aux conditions morales de l’engagement individuel.

Les personnages de Civil War sont des reporters de guerre, à la fois impliqués et ballottés au cœur d’un conflit, sujet, objets et témoins d’une histoire sanglante. Ce type de personnages qu’incarnèrent, avec une certaine allure, Mel Gibson et Linda Hunt dans L’Année de tous les dangers, de Peter Weir (1982), Gene Hackman, Nick Nolte et Joanna Cassidy dans Under Fire, de Roger Spottiswoode (1983), ou bien James Woods dans Salvador, d’Oliver Stone (1986). Mais si ces titres renvoyaient chacun à un conflit réel, ancré dans une actualité ou un passé récent, Civil War se définit comme une spéculation futuriste, en imaginant une nouvelle guerre de Sécession qui déchirerait les Etats-Unis dans un avenir plus ou moins proche.

Kirsten Dunst y incarne Lee, une reporter de guerre lancée dans un voyage destiné à la mener à Washington à la rencontre du président que l’on devine enfermé dans la Maison Blanche, encerclée par les troupes sécessionnistes. Elle prend sous son aile une jeune apprentie photographe, incarnée par Cailee Spaeny, bien décidée à suivre les traces d’une aînée qu’elle admire. Accompagné de deux confrères masculins, le duo féminin traverse des espaces livrés à la destruction et vit des péripéties parfois dangereuses où s’affirme une barbarie banale, celle des hommes en guerre livrés à eux-mêmes, des milices nationalistes et racistes en action, par exemple, des exécutions sommaires. Témoins d’actes d’une inhumanité cruelle qu’elles enregistrent régulièrement au risque de leur vie, les deux héroïnes voient leur propre relation évoluer. Civil War se transmue ainsi en road-movie guerrier continûment lesté par un suspense exalté par la qualité de la réalisation.

Confusion idéologique

« La paix, c’est quand il y a la guerre ailleurs », aurait dit, en substance, Jacques Prévert. Tout le projet d’Alex Garland semble ainsi contenu dans cette manière de transposer les images des conflits militaires, telles qu’elles sont enregistrées partout dans le monde et reproduites par les médias, au cœur de l’espace « domestique » des Etats-Unis. Si l’univers décrit et le postulat imaginé peuvent se comprendre comme une extrapolation logique (sinon crédible) d’une Amérique contemporaine, déchirée en deux et guettée par une fracture qu’a laissé entrevoir la fin du mandat de Donald Trump et l’assaut du Capitole, il n’en pouvait qu’amoindrir, néanmoins, la portée d’un film qui, par ailleurs, n’évite pas une certaine confusion idéologique dans sa manière de renvoyer dos à dos Etat fédéral et escadrons fascistes et séparatistes.

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