dimanche, juin 30

Directeur de recherche (CNRS) à l’Ecole normale supérieure et coauteur du dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), le climatologue Christophe Cassou réagit à la situation politique créée par la dissolution de l’Assemblée nationale.

Quelles conséquences pour le climat anticipez-vous en cas d’accession de l’extrême droite au pouvoir ?

Le programme du Rassemblement national (RN) développe une illusion de protection mais nous met en réalité dans une position de grande insécurité. Le soutien aux énergies fossiles par des allégements de taxe, la promotion de la voiture thermique, l’opposition aux énergies renouvelables qui s’accompagne d’une politique de relance irréaliste du nucléaire, l’affaiblissement des réglementations qui visent à préserver la qualité des sols, de l’eau, etc., vont faire exploser les émissions de gaz à effet de serre et nous enfermeront dans des mondes d’insécurité alimentaire, sanitaire, énergétique, économique. Le RN ne propose rien de réaliste pour sécuriser les rendements agricoles – en jouant sur la confusion entre souveraineté et sécurité alimentaire –, rien pour lutter contre les vagues de chaleur qui vont devenir plus sévères avec une mortalité accrue, rien pour lutter contre les passoires thermiques. Les coûts humains, sociaux et économiques liés au changement climatique vont être de plus en plus élevés et seront portés de manière disproportionnée par les plus vulnérables.

Mais l’enjeu principal, à mon sens, n’est pas là. Commenter le programme du RN pour le climat et entrer dans un débat technique, c’est lui donner une forme de crédibilité. C’est le mettre au même niveau que les autres partis et participer ainsi au processus délétère de banalisation qui nous a conduits là où nous sommes aujourd’hui. On ne peut pas faire comme si l’on était à la veille d’une élection classique, alors que les fondamentaux de la vie démocratique sont en danger. Même si l’extrême droite était pro-climat, cela ne changerait rien. Ce n’est plus une question de solutions pour le climat, mais de valeurs. On ne peut pas séparer les mesures sur l’environnement du reste du programme du RN, qui attaque les valeurs humanistes.

Les valeurs du RN sont-elles compatibles avec la transition écologique ?

Non, elles sont incompatibles avec la transition écologique. Se diriger vers une société plus résiliente au changement climatique implique de promouvoir des valeurs humanistes, de solidarité et d’inclusivité. Les prises de décision doivent être le plus démocratiques, justes et équitables possible, elles doivent diminuer les inégalités et les risques pour les personnes les plus vulnérables. En remettant en cause la lutte contre les passoires thermiques, par exemple, le RN va accroître la précarité énergétique des plus modestes, qui grelottent l’hiver et étouffent l’été.

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