jeudi, juin 27

Le 9 avril 1947 s’est ouvert, devant le tribunal fédéral de Californie du Sud, à San Diego, un procès dont l’issue fait encore polémique aujourd’hui. Dans le box des accusés, neuf grandes entreprises, dont le constructeur de voitures General Motors, de pneus Firestone, Phillips Petroleum et le pétrolier Standard Oil of California, qui deviendra Chevron.

La puissance publique les accusait de conspiration pour avoir constitué un monopole ayant sciemment acheté, à bas prix, les compagnies de tramway électriques de Los Angeles, de San Diego, de Baltimore et de bien d’autres villes des Etats-Unis, pour les convertir en bus à essence et consacrer le règne du tout-automobile. Le transport urbain électrique, qui a précédé la voiture, n’était plus adapté aux temps modernes des banlieues pavillonnaires et des municipalités désargentées.

Maintes fois rejugée, sans réelle condamnation, cette affaire reste le symbole de la toute-puissance du producteur face au consommateur. Des fabricants de cigarettes à ceux de produits de beauté ou de médicaments, la liste est infinie des grands industriels qui usent de leur pouvoir en vue d’orienter les choix de leurs clients.

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En est-il de même aujourd’hui avec le pétrole ? Autrement dit, les grands acteurs du secteur, familiers des pratiques de cartel, peuvent-ils encore influencer l’offre ou se contentent-ils de suivre la demande ? Question essentielle puisqu’elle conditionne une bonne partie de l’avenir de la transition énergétique. « Il y a cette idée fausse que l’offre pourrait dicter la demande, a déclaré le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, à l’agence Bloomberg, le 26 avril. Mais cela ne marche pas comme ça. »

« L’élasticité des prix est nulle »

Alors, comment cela marche-t-il ? Dans une économie capitaliste, la demande du consommateur peut se stimuler par l’innovation, qui crée un marché – le pneu, le moteur à explosion –, par l’influence, que ce soit sous forme de lobbying ou de publicité, et par la réglementation, elle-même sujette à l’influence. Mais, à la fin des fins, le juge de paix reste le prix. C’est lui le grand régulateur de l’offre et de la demande. Enfin, la plupart du temps.

Pour ce qui est du pétrole, cela ne marche pas si bien, soutient l’économiste Patrick Artus, qui affirme que, dans ce domaine, « l’élasticité des prix est nulle ». Autrement dit, si le coût de l’essence augmente, les gens continuent à remplir leur réservoir, car ils ne peuvent pas faire autrement. En revanche, ces tarifs élevés incitent les producteurs à produire plus, voire à ouvrir de nouveaux puits.

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