samedi, octobre 5

Cette rue bouillonnante du 10e arrondissement parisien doit son nom à sa proximité avec la place de la République, qui s’appelait « place du Château-d’Eau » jusqu’en 1879. La nouvelle appellation de la voie, donnée en 1851, permet alors de réunir les rues Neuve-Saint-Nicolas et Neuve-Saint-Jean. Les traces de ce vieux Paris du XIXe siècle sont encore visibles aujourd’hui.

Dès le numéro 3, dans ce drôle de biais du début de la rue du Château-d’Eau, trône la monumentale bourse du travail, qui s’installe ici en 1892. Surmontant les grandes portes d’entrée du bâtiment, trois têtes de femme entourées de motifs végétaux : les allégories du Travail, de la Paix et de la République. A l’intérieur, sous la verrière de la magnifique salle Ambroise-Croizat (que l’on peut demander à découvrir), toute de bois et de fer, gravée des noms de corps de métier, armuriers, graveurs, tailleurs, batteurs d’or, limonadiers, se succédaient, attendant leur embauche.

Liée au mouvement ouvrier, la bourse est devenue peu à peu le centre du syndicalisme parisien, ce qu’elle est toujours. Dès la fin du XIXe siècle, cette « maison du peuple » s’imagine en « foyer incandescent d’où jaillira l’éclair révolutionnaire qui fera éclater l’orage grondant sur la tête de la bourgeoisie ». A ses pieds, le vieux café Les Parigots a lui aussi vécu de grands instants de lutte sociale. Il s’appela d’ailleurs longtemps Le Café des syndicats. Artistes, écrivains et intellectuels s’y attablaient aussi dans un joyeux mélange. Aujourd’hui, une jeune équipe de serveurs anime le lieu, mais les banquettes en cuir, les belles tables en bois et les serviettes à carreaux rouges et blancs donnent à la brasserie un goût d’éternité.

Fraîchement installés au numéro 9, les ingénieurs du bureau d’études Michel Bancon, spécialisé dans la conservation et la restauration du patrimoine ancien, ne se lassent pas d’admirer le vieux bâti de cette pittoresque rue du Château-d’Eau. Derrière la vitrine en verre sablé, seuls les passants attentifs remarquent les silhouettes des belles maquettes de grands monuments de Paris. Nul doute que la plus petite maison de la capitale, qui se trouve au numéro 39, doit leur plaire au plus haut point.

On ne sait pas très bien comment cette construction a été imaginée ni dans quel but, mais l’étroitesse de cette micro-architecture reste fascinante : à peine 1,40 mètre de largeur et 3 mètres de profondeur, soit un rez-de-chaussée flanqué d’un étage, le tout frôlant le minuscule. Elle semble avoir condamné un passage entre les deux immeubles adjacents. Les vieilles photos de la rue en témoignent, l’échoppe fut longtemps occupée par des cordonniers successifs, dont, en 1906, un dénommé J. Richard qui promettait sur sa façade de travailler « vite et bien, sans acide ». Aujourd’hui, on y vend des chemises et des vestes.

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