vendredi, octobre 11

La gare de Limoges a récupéré ces boiseries.
Retirées dans les années 70, elles ont été sauvées, illégalement, par un cheminot déçu de les voir disparaître, avant d’être retrouvées il y a cinq ans.

Suivez la couverture complète

Le 13H

À quelques pas des vitraux art déco de la verrière monumentale, les téléphones et tablettes sont de sortie pour immortaliser l’instant. Une partie des boiseries d’origine, que l’on croyait perdue à tout jamais, est de retour. 95 ans après l’inauguration de la gare de Limoges en 1929, ce patrimoine revit grâce à des fonds publics, mais aussi de simples donateurs. « Je suis une amoureuse de l’art et là, je suis aux anges. C’est beaucoup plus joli qu’un panneau déroulant. C’est formidable, il faut que les générations futures puissent voir ce qui s’est fait avant. Il n’y a pas que le numérique », nous lance une donatrice. « Des gares qui sont finalement de nos jours des points de passage, avoir quelque chose qui est un point de repère à travers les âges, c’est quand même quelque chose de très intéressant », confie un autre.

Une restauration monumentale

Cette restauration, nous l’avons suivie pendant un an et demi de bout en bout, à commencer par la structure en bois exotique. Dans cet atelier spécialisé, le principal chantier a consisté à recréer les pièces manquantes ou abîmées, à un détail près. « Je me suis rendu compte qu’on ne pouvait pas refaire exactement l’identique puisque les bois avaient travaillé. Là, il est tout tordu, il ne peut plus rentrer. Celui-là est tout droit et les dimensions, je vais les adapter aussi », nous raconte Jérôme Bourgoin, menuisier à Limoges.

Des réglages au millimètre pour une boiserie imposante de 6 mètres de hauteur, mais dont le style facilite l’assemblage. « C’est simple parce que c’est art déco donc du coup, on va dire que ce n’est pas ornementé comme on pourrait avoir dans l’art nouveau », explique Charlène Chaumény, conductrice de travaux. Seule difficulté, l’absence de notice pour le montage. « Des boiseries comme ça c’est assez rare mais alors quand elles ont 100 ans et qu’elles font partie de l’histoire de la ville, c’est encore plus gratifiant en tant que menuisier de retravailler des ouvrages comme ça », confie Jérôme Bourgoin.

Des boiseries sauvées par un cheminot

Ces fameuses boiseries ont été exhumées d’une grange, où elles étaient secrètement entreposées, il y a cinq ans par un musée du chemin de fer. Tout cela aurait été impossible sans l’acte de bravoure d’un cheminot. À la fin des années 70, celui-ci est scandalisé par le démontage et la destruction des boiseries alors que la gare de Limoges est déjà classée monument historique. « Il prend la décision de sauvegarder une partie. Tout est allé sur des wagons plats et il a fait changer la destination sans que la direction de la SNCF le sache », raconte Jacques Ragon, l’initiateur du projet de restauration.

Avec la complicité d’un chef de gare, le cheminot a pris tous les risques. « Il a désobéi en fin de compte. Personne n’a su heureusement parce que peut-être que lui, il aurait eu des problèmes au niveau de son travail. Il a bien fait d’avoir fait ça. À l’époque, il n’aurait sûrement pas été écouté et personne ne l’aurait suivi« , détaille Christian Brissaud, le fils du cheminot. 

Un autre trésor découvert

Ce geste courageux a également permis de sauver un autre trésor pour lequel une centaine d’heures de travail ont été nécessaires. Il s’agit d’une carte touristique, dont la signature est une découverte. Il s’agit de la signature de Francis Chigot et de ses ateliers. Célèbre pour ses vitraux de la gare de Limoges, mais aussi en France et un peu partout dans le monde, son auteur n’était pas connu jusque-là pour cette réalisation. « Donc là l’enjeu ça va être d’arriver à restituer cette signature parce que Chigot est vraiment une figure de l’art nouveau, de l’art déco », explique Florence Brachet Champsaur, directrice culture, patrimoine et politique mémorielle à la SNCF. 

Pour le restaurateur, il s’agit de retrouver les couleurs et les écritures effacées, car 30 à 35 % de la couche picturale a disparu. « C’est une carte touristique que l’on peut considérer maintenant comme une œuvre d’art puisque c’est une vraie peinture peinte sur une toile donc là, on restaure un tableau », analyse Samuel Cherprenet, conservateur-restaurateur. 

Après ce travail minutieux, la carte retrouve enfin sa place au milieu de la boiserie comme à ses débuts. Un ensemble complété par des mosaïques de porcelaine, la partie la plus longue à restaurer. Un an au total pour retrouver la forme et l’emplacement des 400 carreaux disparus sur un peu plus d’un millier et surtout les émailler à la façon de Camille Tharaud, le créateur de l’époque. 

Un pari réussi par ces archéologues de la couleur et du style. La SNCF envisage même aujourd’hui de rajouter au décor de nouvelles boiseries art déco. De quoi renforcer un peu plus le prestige d’une gare décidément unique.


La rédaction de TF1info | Reportage TF1 : Carlo Parédès, Emmanuel Sarre

Partager
Exit mobile version