dimanche, juin 30

« On m’a volé mon Womanizer », soupire la cliente quinquagénaire en jaugeant les modèles à disposition dans la boutique, bien décidée à remplacer l’objet dérobé. Le vendeur, compatissant, renchérit : « Ce n’est pas la première fois que j’entends ça. Une autre cliente s’est fait cambrioler : ils ont emporté tous ses sextoys, mais pas ses bijoux. » De là à affirmer que le cours du vibromasseur est en train de supplanter celui de l’or, il y a un pas que l’on s’abstiendra de franchir. L’anecdote révèle toutefois la valeur et l’intérêt accordés aux jouets pour adultes dans notre monde incertain.

Le marché mondial de l’accessoire sexuel était estimé à 35,2 milliards de dollars (soit 32,8 milliards d’euros) en 2023 par le cabinet Research and Markets, et les projections l’envoient au septième ciel : il pourrait doubler d’ici à la fin de la décennie. En France, plus de la moitié de la population en avait déjà utilisé un en 2020, contre seulement 9 % en 2007. Comment interpréter ce triomphe du sextoy au moment où la fréquence des rapports décline, notamment chez les jeunes ? Dans une société en récession sexuelle, est-il un énième marqueur du repli sur soi ? Un allié de l’émancipation féminine ? Une simple success story capitaliste ? De quoi, bon sang, le sextoy est-il le nom ?

Pour tenter de décrypter les dynamiques à l’œuvre, nous nous sommes glissés pendant quelques jours dans la peau d’un vendeur d’un « love store » Passage du Désir, une enseigne qui se positionne comme « la marque du développement durable du couple », avec une vingtaine de boutiques en France. Cosmétiques et jouets intimes y sont proposés dans des espaces élégants et ouverts sur des rues commerçantes – et même dans des corners chez Monoprix – à mille lieues des sex-shops à l’ancienne suintant la misère sexuelle derrière leurs rideaux opaques.

« Empathie et absence de jugement »

Ici, on voit passer des bandes de copines en goguette, un couple qui pouffe en soupesant un dildo, un jeune homme en appel vidéo avec sa partenaire pour choisir une paire de menottes, une fashionista concentrée sur les caractéristiques techniques d’un œuf vibrant connecté. Il y a Mme et M. Tout-le-Monde qui acquièrent un sextoy comme ils achèteraient un téléphone. Il y a l’employée de bureau un peu embarrassée lors du passage en caisse avec son panier à 300 euros (« Je vous mets tout ça dans un sac ? » « Oui, je préfère, je vais au travail juste après »). Et il y a, bien sûr, ceux qui viennent « juste pour faire un cadeau ». Femmes, hommes, couples, homos ou hétéros, c’est une grande variété de profils qui défile.

Il vous reste 76.98% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Partager
Exit mobile version