Pas de budget et puis s’en va ? À deux jours du vote de l’Assemblée nationale sur le budget de la sécurité sociale (en deuxième lecture), une petite musique se fait doucement entendre. En cas de rejet – une option probable tant le projet de loi crispe dans tous les camps – Sébastien Lecornu quittera-t-il ses fonctions ?
Ce dimanche 7 décembre, les voyants étaient plutôt rouge côté gouvernement. Au sein des formations EPR, MoDem, Horizons et LR qui comptent des membres au gouvernement et devraient donc le soutenir, deux ont fait sécession lors du vote de la partie « recette » du PLFSS. Les groupes Droite Républicain et Horizons se sont majoritairement abstenus et le premier volet n’a pu être adopté que grâce à l’absence d’une partie de l’opposition. Ils menacent de récidiver mardi 9 décembre. « Ce texte n’est pas votable » et les députés LR « auront le choix de l’abstention ou de voter contre », a redit le patron du parti Bruno Retailleau ce dimanche. Les élus du parti d’Edouard Philippe sont tout aussi réticents, ulcérés par la suspension de la réforme des retraites et l’attitude de Sébastien Lecornu qui selon eux ne prend pas en compte leurs propositions.
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Sébastien Lecornu a bien esquissé un geste, en évoquant vendredi soir sur X « des réformes, dont certaines pourront être prises par décret après concertation » pour réduire davantage le déficit de la Sécurité sociale. Un message discret adressé aux partisans d’une stricte orthodoxie budgétaire et vent debout contre la copie trop dépensière en cours d’examen. Mais cette promesse encore imprécise n’a pas permis à cette heure de débloquer la situation.
Une démission « n’aurait pas de sens » assure Bregeon
Ce dimanche, la porte-parole du gouvernement a donc tenté un nouvel appel du pied à « la droite (qui) incarne le sérieux budgétaire. » Maud Bregeon joue l’optimisme : « On peut y arriver. L’Assemblée a débattu plus de cent vingt heures sur ce texte. (…) C’est déjà un résultat d’en être arrivé là », veut-elle croire dans La Tribune dimanche. Ce qui ne l’empeche pas d’anticiper, en cas de rejet, une forte pression des oppositions pour une démission du Premier ministre.
Confirmant ces craintes, le vice-président du groupe RN Jean-Philippe Tanguy a estimé ce dimanche qu’un rejet du PLFFS serait un « désaveu » pour Sébastien Lecornu qui ne pourrait rester en poste. La position n’a rien de surprenante au sein du parti lepéniste, qui poursuit son propre agenda. Mais même au sein du parti présidentiel, les langues se délient. Auprès de l’AFP, un cadre Renaissance sous couvert d’anonymat estime aussi que « ce sera un échec pour Lecornu », et « qu’il pourra difficilement rester ».
Sa démission « n’aurait pas de sens, sinon il aurait engagé la responsabilité du gouvernement », en ne renonçant pas à l’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution, a tenté de balayer Maud Bregeon. « Cela ajouterait de la crise à la crise, de l’instabilité, et cela interromprait toutes les discussions budgétaires en cours », a-t-elle ajouté.
Le PLF, vraie victime d’un rejet du PLFSS et d’une démission
Sans Premier ministre en poste, les débats sur le PLFSS seraient suspendus. En l’absence de texte voté dans les temps, la Sécurité sociale continuerait à fonctionner puisqu’elle n’a pas besoin d’une autorisation de percevoir les cotisations sociales ou de réaliser les dépenses. En revanche, son déficit se creuserait davantage, passant à 30 milliards d’euros selon les estimations de Bercy. Pour le réduire, selon sa priorité affichée, le gouvernement devrait donc recourir à des décrets, un outil à sa disposition mais politiquement explosif.
Mais les conséquences les plus lourdes porteraient sur le budget de l’État (PLF), actuellement en discussion au Sénat. Une démission de Sébastien Lecornu interromprait immédiatement son examen. Faisant de fait courir le risque d’une absence de budget au 31 décembre, comme l’exige la Constitution, le Premier ministre ayant aussi exclu de recourir aux ordonnances. Quid de la loi spéciale, qui a servi de plan B il y a un an, lors de la chute de Michel Barnier ? Pour ne pas être retoqué par le Conseil constitutionnel, elle doit être déposée le 19 décembre au plus tard. Et par un chef du gouvernement en exercice et non-démissionnaire. Cela signifie donc qu’en cas de démission de Sébastien Lecornu le 9 décembre, son successeur devrait être renommé dans les plus brefs délais.
Une loi spéciale pourrait alors être soumise au Parlement et empêcher la paralysie de l’État en attendant l’adoption d’un projet de loi en bonne et due forme. Une sortie de secours coûteuse pour les finances publiques : auprès du Parisien, l’entourage d’Amélie de Montchalin l’estime à au moins 12 milliards d’euros, « à la première minute de son entrée en application » et auquel s’ajouterait « un milliard à chaque nouveau mois qui passerait » sans accord sur un PLF classique. Conclusion ? Un déficit encore plus important, un gouvernement qui fixe un objectif de réduction encore plus difficilement atteignable et au milieu, toujours le même Parlement, sommé de réussir en 2026 ce qu’il aura échoué à faire en cet hiver 2025.
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