samedi, mai 18
Carole Le Floch, devenue conseillère technique à l’Institut régional du travail social d’Ile-de-France après avoir connu la rue et la grande précarité, chez elle, à Chartres, le 10 avril 2024.

Carole Le Floch a un peu hésité à nous rencontrer. « J’avais peur que vous soyez surtout intéressés par les violences conjugales que j’ai subies, ou par les détails glauques de l’époque où j’étais à la rue », livre-t-elle un peu abruptement. L’essentiel, pour cette femme de 52 ans, n’est pas de se raconter longuement, mais d’évoquer le chemin parcouru afin de « donner ou redonner de l’espoir » à ceux qui auraient connu une rupture de vie semblable à la sienne.

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Elle passe très vite sur la première partie de sa vie. Des parents défaillants, l’école arrêtée à 15 ans parce qu’elle était enceinte du premier de ses quatre enfants. Son métier d’aide-soignante et vingt-sept années de violences conjugales, avant de réussir à partir, en dormant dans sa voiture, « car, si j’étais allée chez quelqu’un, il m’aurait retrouvée… » Puis une année de rue, après que son mari a réussi à lui confisquer son véhicule. « J’ai sombré très vite », dit-elle.

Dans un livre témoignage rédigé seule, De la grande exclusion au pouvoir d’agir retrouvé (L’Harmattan, 2021), elle parle d’un « syndrome du duvet profond » : « Arrivée tout au bout [du précipice], je me suis lovée en boule tout au fond du duvet et j’ai goûté à une nouvelle forme de bien-être (…). J’avais décroché du monde et de moi-même. » Jusqu’à « toucher du bout du doigt la folie », écrit-elle.

« C’est une travailleuse sociale qui m’a sauvée »

Dans le fast-food où on la rencontre, Carole Le Floch retrace son retour à la vie. « C’est une travailleuse sociale, Mathilde, qui m’a sauvée : elle m’a accueillie dans un centre d’hébergement pour femmes victimes de violences, en 2014 à Evreux, et elle m’a fait découvrir la participation. » La participation citoyenne, qui consiste à associer les citoyens au processus de décision politique, se développe depuis les années 2000 dans le secteur social. Pour l’ancienne SDF, cette participation a d’abord consisté à intégrer un groupe d’expression au sein de son centre d’hébergement, malgré sa difficulté à articuler des mots, séquelle des nombreux mois silencieux à la rue. « Au début, j’y allais surtout pour sortir de mes quatre murs et de mes problèmes. »

Carole Le Floch a ensuite été invitée à des réunions du Conseil régional des personnes accompagnées de Haute-Normandie, puis de son Conseil national, s’accrochant pour suivre puis nourrir les débats sur l’hébergement d’urgence, la précarité, les aides sociales… Elle a été élue déléguée de cette assemblée de démocratie participative, et l’a représentée dans d’autres instances. « Cette participation, consistant à porter la parole des personnes précaires, a été l’outil pour me reconstruire. J’ai repris contact avec la société. J’ai beaucoup lu, j’ai appris à taper des comptes rendus et à adapter ma communication, selon que je parlais à une personne défoncée dans la rue ou à une ministre… »

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