Le Parlement se prépare à une adoption au pas de charge en début de semaine d’une « loi spéciale », rustine législative qui permettra de financer provisoirement l’État et les administrations après l’échec des discussions entre forces politiques sur le budget.
La ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin a confirmé dimanche soir cette loi spéciale, destinée à éviter un « shutdown » à la française. Mais il ne s’agit selon elle que d’un « service minimum », avant la nécessaire reprise des discussions budgétaires en janvier, pour aboutir à une loi de finances avant « fin janvier », y compris avec « quelques hausses d’impôts ».
Avant même cette confirmation, les commissions des Finances de l’Assemblée nationale et du Sénat avaient déjà adressé pendant le week-end à leurs membres des convocations pour auditionner lundi et mardi le ministre de l’Économie Roland Lescure et Mme Montchalin sur ce projet de loi spéciale.
Mis en échec sur sa stratégie visant à faire émerger un compromis parlementaire sur le budget, le Premier ministre Sébastien Lecornu avait annoncé vendredi qu’il réunirait, « à partir de lundi, les principaux responsables politiques » pour « trouver les conditions d’une solution ».
Ces concertations ont finalement commencé dès dimanche, avec les chefs des groupes parlementaires Renaissance et Horizons, Gabriel Attal et Paul Christophe, reçus à Matignon, a fait savoir l’entourage de Sébastien Lecornu.
Le président du groupe Modem Marc Fesneau et celui du groupe Liot Christophe Naegelen sont eux consultés par téléphone, selon la même source.
Le parti Les Républicains (LR) sera reçu lundi, tout comme le Parti socialiste qui a rendez-vous à 10h30, le Parti communiste à 15H00, et les Écologistes a priori vers 16H00, selon des sources de chaque parti.
– Calendrier resserré –
Sans attendre, le gouvernement a déjà échafaudé un calendrier resserré devant conduire au vote de cette loi spéciale en un peu plus de 24 heures.
Un conseil des ministres est prévu lundi en fin de journée, dès le retour du président Emmanuel Macron d’Abou Dhabi où il effectue sa traditionnelle visite de fin d’année aux troupes déployées à l’étranger.
Les débats commenceraient dans la foulée à l’Assemblée nationale en vue d’un vote dans l’hémicycle puis au Sénat mardi en fin de journée, a-t-on indiqué de source gouvernementale.
Mais au-delà de cette loi de court terme, qui permettra de lever les impôts et d’engager des dépenses sur la base du budget 2025, Sébastien Lecornu doit trouver une issue à l’impasse budgétaire et éviter de nouvelles longues tractations en début d’année.
Sa stratégie a fonctionné pour le budget de la Sécurité sociale, voté le 16 décembre grâce à l’appui du Parti socialiste et au prix de concessions sur la réforme des retraites, suspendue, et sur l’article 49.3, écarté.
Mais le recours à cet outil constitutionnel, qui permet de faire passer un texte sans vote sauf motion de censure, est de nouveau au centre du débat.
– « Machine arrière »-
La droite pousse Sébastien Lecornu à en faire usage en début d’année sur le budget de l’État afin de sortir rapidement d’un processus jugé interminable et souvent incompréhensible par de nombreux Français.
« Ce que je demande à Sébastien Lecornu, c’est de faire machine arrière et de se saisir du 49.3 pour donner un budget responsable au pays, conforme à l’intérêt de la Nation, avec moins d’impôts et de dépenses », a martelé dans un entretien à Ouest-France le président des Républicains (LR), Bruno Retailleau.
Ce que précise Philippe Juvin, rapporteur LR du budget à l’Assemblée nationale, dans le Parisien: « Une loi spéciale mardi, puis un deal sur quelques principes de base à partir de la négociation, qui pourrait être converti par un 49.3 en janvier prochain ».
Sébastien Lecornu dispose d’une autre voie, consistant à faire passer le budget par ordonnances, des textes à portée législative mais qui ne sont pas votés par le Parlement. Mais la procédure n’a jamais été utilisée et pose des questions constitutionnelles. Elle semble donc risquée.
La loi spéciale avait déjà été utilisée l’an dernier après la chute du gouvernement de Michel Barnier, renversé par une motion de censure.
Elle avait alors été soutenue par toutes les forces politiques, au nom de la stabilité. Le Rassemblement national, groupe le plus nombreux à l’Assemblée, devrait la voter « a priori, parce qu’il faut bien que l’État continue d’avancer », a indiqué dimanche sur franceinfo la vice-présidente du parti, Edwige Diaz.
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