Surtaxe sur les grandes entreprises, fiscalité des Gafam, ou encore révision du crédit impôt recherche : les sénateurs ont continué, jeudi 28 novembre, à imprimer leur marque sur les « recettes » du projet de budget de l’Etat pour 2025.
Alors que le gouvernement est sous la menace d’une potentielle motion de censure la semaine prochaine à l’Assemblée nationale sur le budget de la Sécurité sociale, les sénateurs continuent leurs travaux sur le projet de loi de finances. Ils ont notamment approuvé des articles clés, comme une surtaxe sur les bénéfices des grandes entreprises, espérant ainsi renflouer les caisses de l’Etat de 8 milliards d’euros en 2025 puis 4 milliards en 2026.
Ciblée sur les quelque 450 entreprises réalisant plus de 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires en France, cette taxe prendra la forme d’une majoration de l’impôt sur les sociétés, dont le taux sera réduit de moitié en 2026, avant de disparaître.
Face au dérapage du déficit public (au-dessus de 6 % du produit intérieur brut cette année), il s’agit d’« un mal nécessaire », pour le ministre chargé du budget, Laurent Saint-Martin, alors que la mesure va à rebours de la politique de l’offre mise en place depuis 2017. « Nous continuerons d’être aux côtés des entreprises, surtout dans ce contexte de guerre commerciale », a affirmé, jeudi, le premier ministre, Michel Barnier au Figaro.
Les sénateurs ont également validé une taxe exceptionnelle sur les grandes entreprises de fret maritime, qui devrait en réalité ne toucher que le principal armateur, CMA CGM, pour un rendement attendu de « 500 millions d’euros en 2025 » et de « 300 millions d’euros en 2026 », selon Laurent Saint-Martin.
Hausse de la taxe sur les Gafam
Contre l’avis du gouvernement, ils ont aussi alourdi une taxe sur les Gafam, grandes entreprises du numérique (passant de 3 % à 5 %) ; et ont adopté un amendement pour que l’Etat ouvre 2 % du capital d’EDF à de l’actionnariat salarié. En dépit d’une discussion nourrie, les sénateurs ont aussi approuvé un article reportant de trois ans la suppression de la CVAE, un impôt de production sur les entreprises.
Les parlementaires de la chambre haute ont aussi longuement débattu du crédit impôt recherche (CIR), auquel sont très attachés les industriels mais que certains estiment dévoyé, et que le gouvernement entend recentrer pour faire des économies.
Le rapporteur du budget au Sénat, Jean-François Husson (Les Républicains), a salué un « instrument important », mais a proposé de revoir son assiette, d’exclure certains frais de son périmètre et d’opérer une hausse de la fiscalité sur des revenus des brevets. Le tout pour un rendement espéré autour de 400 millions d’euros. Mais des amendements du gouvernement et des oppositions ont atténué le sien. « Il ne reste pas grand-chose », a-t-il estimé auprès de l’Agence France-Presse, après la série de votes, insistant sur la nécessité de faire des économies et de rendre l’outil plus « juste ».
Adoption d’amendements contre la fraude fiscale
Le ministre de l’économie, Antoine Armand, a, lui, alerté sur le risque de trop grever un dispositif qui joue sur « l’attractivité de la France » dans le domaine de la recherche. Contre l’avis du rapporteur et du gouvernement, un amendement de sénateurs centristes est venu réduire le champ du CIR pour des entreprises qui ne disposent pas d’unité de production en France ou dans l’Union européenne. Les sénateurs ont également prorogé pour une durée de trois ans le crédit d’impôt innovation, réduisant toutefois son taux de 30 % à 20 % à partir de 2025.
Contre l’avis du gouvernement, la chambre haute du Parlement a adopté des amendements de centristes et de la gauche visant à aider à lutter contre la fraude fiscale, en facilitant par exemple les pénalités contre des conseils qui aideraient à monter des schémas de fraude, ou en sollicitant un accord préalable de l’administration fiscale pour des transactions transfrontalières entre filiales de multinationales.
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L’examen de cette partie « recettes » au Sénat se poursuivra vendredi et devrait durer jusqu’à dimanche, avec près d’un millier d’amendements au programme.