vendredi, novembre 15

Rachida Dati a rejoint la cohorte des voix demandant que l’accès à Notre-Dame de Paris soit payant. Alors que la cathédrale rénovée sera rouverte en grande pompe les 7 et 8 décembre, cinq ans après un incendie dévastateur, la ministre de la culture propose un ticket à 5 euros (Le Figaro du 24 octobre). La somme pourrait rapporter 75 millions d’euros par an, assure-t-elle, redistribués aux milliers d’églises de France en piètre état.

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Bien sûr qu’il faut mettre en place ce billet. Pas à 5 mais à 20 ou 30 euros. Pas seulement à Notre-Dame, mais aux cathédrales de Chartres, Bourges, Reims, Strasbourg ou Amiens. Il faut le faire, car nos finances publiques sont dans un état calamiteux et la sauvegarde du patrimoine est un puits sans fond. Les trois quarts des 42 000 églises de France se trouvent dans des communes de moins de 3 000 habitants qui n’ont pas les moyens de les entretenir. Ne pas agir signifie croire aux miracles.

Il ne suffit pas de claquer des doigts pour obtenir de l’argent. A Notre-Dame, oui, tant la cathédrale n’a plus grand-chose à voir avec un lieu de prière. Elle aimante mille fois plus de touristes mondialisés que de fidèles. Ils étaient 12 millions ou 13 millions par an avant l’incendie, en avril 2019 – c’était déjà le site le plus visité en Europe. Ils seront 15 millions après le 8 décembre, 40 000 personnes par jour, qui pourront réserver un créneau horaire sur une plateforme mise en place fin novembre. On imagine le barnum, le Louvre ou Versailles en plus incandescent.

Monuments fragilisés par le tourisme

Vingt à trente euros sont possibles, car, selon un mécanisme bien documenté, plus le visiteur vient de loin, plus il accepte sans rechigner de payer le prix fort devant un site exceptionnel où il ne reviendra jamais. L’urgence écologique justifie aussi une surtaxe : 95 % des touristes se concentrent sur moins de 5 % des sites de la ­planète et fragilisent les monuments élus.

Le diocèse de Paris n’est pas dans ces préoccupations. Résolument opposé à la cathédrale tarifée, ce qui bloque le projet dans l’immédiat, il avance que l’argent se marie mal avec le religieux, que la distinction entre le touriste et le croyant est impénétrable et qu’être gagné par le divin est imprévisible. Sans doute. Disons néanmoins que, si l’on souhaite prier dans le calme, des dizaines d’églises à Paris, habitées et désertes, sont bien plus appropriées.

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Il est surtout commode de vouloir conserver la gratuité quand l’entretien du bâtiment n’est pas à votre charge mais incombe à l’Etat, propriétaire de 87 cathédrales en France. Du reste, en Italie, en Espagne ou au Royaume-Uni, où les lieux de culte lui appartiennent, l’Eglise se montre pragmatique, instaurant un ticket de 10 à 30 euros pour quelques sites où les touristes affluent en masse. C’est le cas à la cathédrale de Milan, à la Sagrada Familia à Barcelone, à la mosquée cathédrale de Cordoue et à la cathédrale Saint-Paul à Londres.

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