lundi, octobre 14

« Ils disent avoir visé un dirigeant du Hezbollah. Il y avait des gens du Sud qui venaient d’arriver, mais nous n’avons vu que des civils sortis des décombres. C’est un massacre. » A Basta, un quartier populaire mixte sunnite et chiite de Beyrouth, Mohamed Hachem, un commerçant, ne cachait pas sa colère, teintée de désespoir, au lendemain de la frappe israélienne qui a tué 22 personnes le 10 octobre. Parmi elles, 10 déplacés chiites venus du sud du pays. A quelques pas, sur les ruines des deux immeubles rasés par l’explosion, des jeunes plantaient un étendard noir sur un pan de mur effondré, en jurant fidélité à la résistance.

L’extension des bombardements israéliens, qui visent, dans le Grand Beyrouth, des régions habitées par des sunnites, des chrétiens ou des druzes, avive chez leurs habitants la crainte d’être ciblés du seul fait de la présence, à leurs côtés, de déplacés venus des régions chiites. En un an, près de 1,2 million de personnes ont dû fuir leurs habitations. Le flux s’est accéléré depuis l’intensification des bombardements israéliens il y a trois semaines.

A Beyrouth, des rumeurs faisant état d’occupation sauvage de locaux par des déplacés envahissent les réseaux sociaux. Au point que le ministre de l’intérieur, Bassam Maoulaoui, a assuré publiquement le 10 octobre que les forces de l’ordre ne toléreraient aucune atteinte à la propriété privée. La veille, la police avait évacué des tentes et des abris de fortune installés sur la corniche de Beyrouth, provoquant un début d’échauffourées.

Samedi 12 octobre, plusieurs familles originaires de la ville de Nabatiyé, dans le sud du pays, pilonnée par l’armée israélienne, ont de nouveau installé quelques tentes sur le front de mer. De la marina de Zaytounay au phare du Manara, à l’autre bout du front de mer, les restaurants et cafés qui bordent la Méditerranée sont figés dans le silence, fermés pour la plupart. « C’est une catastrophe », décrit le responsable d’un établissement très chic de Zaytounay. « De 700 couverts par jour, nous sommes tombés à 70 depuis la guerre. Une partie de nos clients ont peur de venir à cause des déplacés », admet-il.

« On est tous fatigués »

« Ici, les bombes volaient déjà quand j’avais 10 ans, en 1982, lors de l’invasion israélienne… », se souvient Naïm, 52 ans, près de la rue Hamra, dans l’ouest de la ville. Cœur commercial et culturel de Beyrouth dans les années 1960 et 1970, le quartier a périclité pendant la guerre civile. Réhabilité dans les années 1990, il a à nouveau sombré après l’effondrement financier de 2019. Enfant des lieux, le disquaire a vu les déplacés de cette nouvelle guerre affluer depuis la fin septembre. « C’est un quartier mixte, avec des sunnites, des chiites, des chrétiens. Un petit village. Depuis quelques semaines, il y a des déplacés partout », constate-t-il, en désignant un immeuble squatté par des dizaines de familles, rue Abdelbaki.

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