dimanche, mai 19
Bernard Pivot, alors président du jury de la société littéraire de l’Académie Goncourt,  à Lyon, le 3 mars 2016.

La République des lettres vient de perdre son « Roi lire », une seconde fois. Déjà, en 2001, l’historien Pierre Nora qualifiait le départ de Bernard Pivot de la télévision de « deuil national ». Après vingt-huit ans à apostropher écrivains, artistes, politiques, sportifs ou chefs étoilés, ce « gratteur de têtes », comme il aimait se définir, refermait les guillemets d’une époque. Celle où les « bouillons de culture » mitonnés sans apprêt, pouvaient se déguster à des heures ouvrables ; où l’art de transmettre ne se confondait pas totalement avec promotion et où l’Audimat ne s’érigeait pas en diktat.

A 65 ans cependant, l’homme du « Dico d’or » était loin d’avoir dit son dernier mot. Une seconde vie de lecture et d’écriture débutait pour cet amateur éclairé de vins, de bonne chère et de ballon rond. Ou plutôt une seconde jeunesse pour ce touche-à-tout. Outre ses souvenirs et ses passions qu’il va égrener dans une vingtaine de livres, et sur la scène au théâtre, en 2004, l’ex-patron de Lire entre au jury Goncourt, avant de le présider, entre 2014 et 2019.

Comme si cela ne suffisait à étancher sa soif de curiosité, Bernard Pivot se lance en 2012 sur Twitter. La contrainte des 140 signes ne pouvait que séduire cet adepte de calembours et d’aphorismes. Ses « gazouillis » vont séduire plusieurs centaines de milliers d’abonnés de tous âges, dont les plus jeunes ignoraient tout de l’animateur d’« Apostrophes » (1975-1990) et de « Bouillon de culture » (1991-2001). Le compte du « Twittos de la langue française » va désormais rester muet. Bernard Pivot est mort lundi 6 mai à Neuilly-sur-Seine, à l’âge de 89 ans, a annoncé sa fille Cécile Pivot à l’Agence France-Presse (AFP).

Un élève « médiocre »

Tout au long de sa vie, sa passion première aura été pour les mots. Ceux d’abord puisés dans Le Petit Larousse, rare livre qu’il possède, avec Les Fables de la Fontaine, et qui vont enchanter son enfance. Une enfance marquée par une « éducation chrétienne sévère », dont il dira avoir suffisamment souffert pour le tenir à l’écart de tout engagement. Malgré les prédictions de son grand-père, qui vit un signe dans sa naissance à Lyon, le 5 mai 1935, jour d’élection municipale. Bernard Pivot, lui, préférait rappeler que ce dimanche-là, l’Olympique de Marseille remporta la Coupe de France contre le Stade rennais.

En 1940, son père fait prisonnier, la famille se retire à Quincié-en-Beaujolais (Rhône), qui restera son point d’ancrage. Entouré de sa mère, de ses tantes et de sa sœur aînée, le petit garçon fait l’apprentissage de la nature, des saisons et bien sûr de la vigne. A la Libération, ses parents rouvrent à Lyon leur épicerie, où il jouera les commis lorsqu’il n’est pas au pensionnat Saint-Louis puis, plus tard, sur les bancs du lycée Ampère, où il est loin d’être une lumière. « Elève médiocre », selon ses propres dires, Bernard Pivot se distingue cependant en français, en histoire et en sport, son refuge.

Il vous reste 71.22% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Partager
Exit mobile version