vendredi, mai 17

Des dizaines de figures de la culture ont été emportées par la vague #metoo pour des violences faites aux femmes. Le dessinateur Bastien Vivès est tombé pour des violences faites aux enfants. Mais pas dans la vraie vie ; dans des bandes dessinées. Le cas est bien plus rare, mais le tarif est le même – une forme de bannissement.

Lire le portrait | Article réservé à nos abonnés Bastien Vivès, les ambivalences d’un surdoué de la BD

A la suite de plaintes d’associations, Bastien Vivès fait l’objet, depuis janvier 2023, d’une enquête préliminaire du parquet de Nanterre pour diffusion d’images pédopornographiques dans trois albums, dont La Décharge mentale (2018) : un couple invite un ami à avoir des relations sexuelles avec leurs trois filles mineures ; à les violer en somme, ces dernières étant moins farouches que le monsieur.

Ces trois albums étaient vendus sous blister, en librairie. L’un d’eux avait déjà fait l’objet de plaintes au tribunal de Nanterre, en 2018 et en 2020, qui avaient été classées sans suite, sans même que Vivès soit entendu. Mais cette fois l’enquête a été confiée non à la chambre spécialisée dans les délits de presse, comme c’est l’usage, mais à la brigade de protection des mineurs.

Le sujet se trouve déplacé de l’œuvre vers son auteur. Les conséquences sont concrètes. Bastien Vivès a subi un prélèvement ADN afin de croiser le résultat avec le fichier de criminels sexuels. Une anomalie sur son cou a été photographiée et mise en regard de témoignages de jeunes victimes. Des policiers ont demandé au dessinateur s’il se masturbait et à quelle fréquence. S’il regardait des films pornographiques et lesquels. On lui a proposé de passer un examen psychiatrique – il a refusé.

Un enjeu lourd

Richard Malka, son avocat, dit que Vivès est considéré comme un délinquant sexuel, alors même qu’il n’a fait l’objet d’aucune plainte, d’aucune dénonciation, d’aucune rumeur de pédocriminalité. Il est traité comme un personnage de ses BD, tant la frontière est brouillée entre le réel et la fiction. Mais aussi au regard de son parcours créatif. En 2003, étudiant à l’école des Gobelins, il présente un court film d’animation où un papa souriant embrasse à pleine bouche sa petite fille dans son lit pour la rassurer. En 2017, il livre ce fantasme au magazine Madmoizelle : « L’inceste, ça m’excite à mort. » Alors il le dessine dans ses albums. C’est un autre sujet mais, la même année 2017, Vivès a tenu des propos ignobles, sous pseudo, dans un groupe privé sur Facebook, ciblant une autrice de BD bien réelle.

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Il n’en fallait pas plus pour que des voix sur les réseaux sociaux, certaines connues, suggèrent que la fascination de Vivès pour le sexe et les enfants s’explique probablement par le fait qu’il est un consommateur d’images pédopornographiques, voire un agresseur. Il n’y a pas un début de preuve, mais c’est dans l’air du temps de faire coller la réalité à ses convictions.

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