vendredi, octobre 11

POLITIQUE – « Je ne suis là pour promettre du sang, du labeur, des larmes et de la sueur. » Si le ministre des Comptes publics Laurent Saint-Martin ne l’avait pas précisé, on aurait pu en douter tant le premier budget de l’ère Michel Barnier consacre un effort sans précédent sur les finances publiques.

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Pour ramener le déficit autour des 5 % du PIB, après une embardée au-dessus de 6 % cette année, l’exécutif table effectivement sur 60 milliards d’euros d’économie. Deux tiers proviendront de dépenses évitées, le reste sera alimenté par les augmentations d’impôts. Comme promis, cette hausse de la fiscalité touche en grande partie les ménages les plus riches et les entreprises florissantes. Mais pour les autres ?

De fait, les Français les plus aisés seront loin d’être les seuls à supporter la cure de rigueur imposée par Michel Barnier. Plusieurs taxes, prélèvements ou mesures vont concerner tout le monde. Sans parler de la baisse des dépenses publiques, propres à affecter les contribuables modestes.

Des taxes pour tous

En somme « la dette n’est pas qu’une question financière. C’est une question politique », comme l’expliquait le ministre de l’Économie Antoine Armand à la presse ce jeudi 10 octobre, en estimant que la situation « concerne tous les Français. » Manifestement les efforts, aussi.

Concrètement, plusieurs mesures de prélèvements annoncées ou confirmées par le gouvernement vont s’appliquer sans distinction de revenus. Sur le front de l’écologie par exemple, les ministres prévoient l’augmentation d’une taxe sur les billets d’avion. Si ses contours sont encore flous, le gain espéré (1,5 milliard d’euros) laisse entrevoir un dispositif conséquent. Ce n’est pas tout.

Les Français se chauffant au gaz sont également ciblés : la TVA est relevée à 20 % (contre 5,5 % ou 10 % actuellement) pour l’installation d’une chaudière, de quoi rapporter 200 millions d’euros. Le gouvernement prône également le renforcement du malus « masse » et « CO2 » pour les véhicules polluants. Ainsi, les voitures neuves émettant plus de 112 grammes de CO2 par kilomètre (contre 118 précédemment) seront désormais taxées à hauteur de 50 euros par gramme de CO2 supplémentaire. Conséquence : seule la Mitsubishi Space Star, voiture à essence, échappera au malus thermique à partir de 2025.

Dans cette même logique, le gouvernement va augmenter – sans doute de manière spectaculaire – une taxe sur l’électricité (TICFE), que les équipes précédentes avaient drastiquement baissée à cause de la crise inflationniste. En clair : les Français (aux tarifs réglementés) peuvent espérer une baisse de 9 % de leur facture grâce au repli des prix des marchés. Mais celle-ci aurait pu être encore plus massive, sans le rehaussement de la taxe.

Pensions de retraite, consultation médicale…

Autant de points propres à ulcérer les oppositions, à gauche comme à l’extrême droite. Pour le socialiste Philippe Brun, vice-président de la commission des Finances à l’Assemblée, ce budget « prend aux pauvres pour donner aux riches ». Dans le même esprit, le député RN Jean-Philippe Tanguy évoque un « effort très mal réparti », fait selon lui de « 7 milliards d’euros sur les classes moyennes et populaires et seulement 2 milliards d’euros sur les plus privilégiés. »

D’autant qu’à ces prélèvements supplémentaires, s’ajoutent des coups de rabot ou autres décisions sensibles pour tous les Français. On peut par exemple évoquer les retraités qui, du plus précaire au plus aisé, verront leurs pensions gelées pour six mois. Le gouvernement a effectivement confirmé le report en juillet de l’indexation sur l’inflation.

Même logique sur certaines économies de dépense, où le gouvernement vise large, sans précaution : il prévoit par exemple de réduire la part de l’Assurance maladie dans le remboursement des consultations médicales. Tant pis pour les 2,5 millions de Français qui n’ont pas de complémentaire santé et qui verront leur reste à charge inévitablement augmenter.

Crédits rabotés au sport, 4 000 postes de profs supprimés

Quoi qu’il en soit, cette mesure précise revient dans les faits à faire payer les ménages. Le transfert de charge ne manquera pas à terme d’être répercuté dans les tarifs des complémentaires santé, qui ont déjà connu une hausse d’environ 8 % en moyenne en 2024.

Dans ce contexte, on pourrait également citer la rationalisation des transports sanitaires de patients ou encore les aides réduites pour l’apprentissage. Mais c’est sans doute à travers la baisse des budgets de l’État et des ministères que les Français subiront aussi la facture. Par exemple, les crédits alloués aux missions « Sport » sont rabotés de 12 % dans la nouvelle feuille de route. Même tendance (moindre) pour le Travail ou la Santé. Pour l’Education nationale, c’est 4 000 postes d’enseignants que l’exécutif prévoit de supprimer. Pas simple quand des professeurs manquent partout.

Enfin, il n’est donc pas anodin de voir des instances indépendantes remettre en cause la méthode et le chiffrage du gouvernement. Pour le Haut conseil des Finances publiques, l’effort budgétaire demandé par Michel Barnier se concentre à 70 % sur une hausse de la fiscalité et à 30 % sur une baisse des dépenses l’an prochain. Le président de la Cour des comptes Pierre Moscovici parle, lui, de « 50-50. » Le sang ? Peut-être pas. Mais les larmes et la sueur, assurément.

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