mardi, décembre 23

Dans un entretien accordé au Monde le 1er décembre, l’économiste Clément Carbonnier affirme que « la baisse des coûts du travail est un mauvais outil pour créer de l’emploi ». Ce débat mérite mieux qu’un verdict global.

Il est vrai que la France a accumulé au fil des décennies des dispositifs coûteux dont l’efficacité s’est probablement érodée à mesure que l’on s’est éloigné des bas salaires. Toutefois, comme nous le rappelons dans le rapport du Groupe d’experts sur le smic récemment publié, la littérature empirique disponible ne permet en aucun cas de conclure que la baisse du coût du travail serait, par nature, inopérante sur l’emploi. Tout dépend du niveau du salaire minimum et du ciblage des aides aux employeurs.

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Nos conclusions sont cohérentes avec le rapport d’Antoine Bozio et d’Etienne Wasmer de 2024, qui dresse un bilan complet des politiques d’exonération de cotisations patronales. Les auteurs ne contestent pas l’existence d’un effet emploi des allègements de cotisations près du smic. Ils rappellent au contraire que les évaluations empiriques mettent en évidence des effets significatifs pour les emplois peu qualifiés, en France comme à l’étranger.

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De la même manière, dans sa synthèse de 2019, le Conseil d’analyse économique (CAE) concluait que « les baisses du coût du travail, lorsqu’elles ne se font pas sous la forme d’un crédit d’impôt et lorsqu’elles sont concentrées sur les bas salaires, ont bien un impact positif sur l’emploi ».

Un effet modéré du CICE

A l’inverse, les études montrent que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), qui a étalé un surcroît d’allègement de cotisations jusqu’à plus de trois fois le smic, n’a eu qu’un effet très modéré sur l’emploi, comme l’a d’ailleurs montré Clément Carbonnier lui-même avec ses coauteurs, dans leur rapport publié par le Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp) de Sciences Po, en 2017.

La principale raison est que la sensibilité de l’emploi à son coût est décroissante avec le salaire : si le coût du travail peut effectivement constituer un frein à l’embauche au bas de l’échelle, notamment dans les petites et moyennes entreprises, il devient un facteur de moins en moins important à mesure que les salaires augmentent, car la productivité des salariés concernés compense largement le coût qu’ils représentent.

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