vendredi, mai 3

Deux journalistes de TF1 ont embarqué pour trois semaines dans la péninsule Antarctique à bord du voilier Persévérance de Jean-Louis Etienne.
Notre reporter Frédérique Agnès tient un carnet de voyage pour nous raconter les étapes de cette aventure extraordinaire.
Découvrez ici le cinquième et dernier épisode.

Il est temps de reprendre le chemin du nord. D’île en île, de baie en baie. À Damoy Point, l’impression d’être dans un cirque. Les glaciers forment une ronde autour de nous. Grand soleil. Ciel bleu. On distingue les pleins et déliés de ces hauts reliefs. Majestueux. Cinq heures d’une navigation tranquille nous mènent jusqu’à Melchior Island. Au loin, une base estampillée « République argentine ». Et juste au bord de l’eau, une cabane rouge. Sur la porte, écrit en espagnol et en anglais : « Ici, vous trouverez du matériel d’urgence et de survie« . 

F. Agnès

Une porte ouvre sur un grand atelier plein de tuyaux, cordages, colles, peintures, rouleaux, clés en tous genres. Hervé Le Goff et Jean-Louis Étienne échangent et s’accordent sur le fait que personne n’est visiblement venu ici depuis un moment. D’où peut-être cette impression qu’on a d’un lieu à l’abandon. Au-dessus, l’espace de vie. Des lits, des couvertures protégées dans de grands sacs plastiques, une cuisinière, une bouilloire, un poêle, de l’eau minérale, de l’huile, des boîtes de conserve. Marie-José ouvre de grands yeux : « C’est étonnant cet endroit. C’est fermé, mais c’est ouvert à qui en a besoin« . Son mari, Francis, pousse la curiosité jusqu’à regarder la date de péremption d’une brique de lait chocolaté. 25 avril 2018. Un silence puis il enchaine, flegmatique, « 2018… ça va encore !« . Il y a en quoi en tout cas subvenir aux premiers besoins de marins en souffrance. Avec une consigne si l’on se sert : prévenir les autorités navales argentines afin qu’elles réapprovisionnent.

De retour à bord du Persévérance, le temps s’étire gentiment. Petite léthargie vite enrayée par l’entreprise de sept courageux. Ils ont décidé de se mettre à l’eau. Les voici en maillots de bain et serviettes à côté de l’échelle. Sourires. Photo souvenir. Tour à tour, chacun descend les marches et se laisse tomber. Impératif fixé par cette joyeuse bande : mettre la tête sous l’eau… à 1,7 degré. 

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Aurélien, le chef mécanicien, a sorti le zodiac au cas où il faudrait récupérer l’un de ces aventuriers. Dorothée, réalisatrice missionnée par le CNRS et le Parlement européen, tente quelques brasses. Impossible de continuer. Les muscles sont tétanisés, le souffle coupé par le froid. En remontant, Luc, officier polyvalent à bord, a le triomphe discret : grand sourire et pas un mot. D’autres éclatent de rire. Noan, scientifique spécialiste du plancton, décide carrément d’y retourner ! Jean-Louis Étienne, regard amusé et accent du sud : « Mais vous êtes fadas !« . De doux dingues, attachants.

Escale à Deception Island, île volcanique. On la découvre noire, enveloppée de bas nuages, mystérieuse. Deception en anglais ne veut pas dire déception, mais trahison ou supercherie. Différentes hypothèses à ce nom. L’une d’elles est que les marins, longtemps, l’ont crue parfaitement ronde. Jusqu’à finalement découvrir une entrée. 

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À terre, ambiance de fin d’un monde. D’énormes silos rouillés témoignent du temps où la chasse à la baleine prenait ici une dimension industrielle. Dans le premier tiers du XXe siècle. Ces gigantesques citernes étaient remplies de la graisse des cétacés transformée en huile. Très recherchée en Europe, historiquement pour l’éclairage urbain puis la fabrication du savon et autres

produits cosmétiques. Industrie très rentable pendant des décennies. Industrie meurtrière, finalement interdite vers la fin des années 70. 

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En soixante-quinze ans, on estime que près d’un million et demi de mammifères marins ont été décimés dans l’océan austral. Au bord de l’eau, des fumerolles ajoutent encore au mystère. Odeur évidente de souffre. Nous sommes bien sur un volcan. La dernière éruption date de 1967… d’autres sont promises par les volcanologues. Douce sensation de chaleur lorsqu’on plonge les mains dans l’eau. On aurait presque envie de se baigner. Mais c’est interdit. La faune doit être protégée. On la devine d’ailleurs tout au bout de la plage. Une dizaine d’otaries à fourrure et un gros phoque de Weddell. Ça bâille, ça se jauge, ça se chicane. Et ça retourne à l’eau d’une allure preste et pataude à la fois.

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À bord, Cécile, la médiatrice rédige la suite de son carnet de bord qu’elle va bientôt envoyer aux élèves qui la suivent en France. Hervé, le référent scientifique, note les données atmosphériques relevées. Aurélien, le chef mécanicien, inspecte la salle des machines pour s’assurer que tout va bien. Luc, trace sur une carte papier la route qu’il faudra suivre pour éviter les zones dangereuses. Dehors, pluie et vent, comme une annonce du passage du Drake qui nous attend. Le Drake, puis Puerto Williams et enfin Ushuaïa… mais cela, nous l’avons déjà raconté.


La rédaction de TF1 | Frédérique Agnès

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