Philippe S., 58 ans, est jugé depuis ce lundi matin devant la cour d’assises de l’Aveyron.
Il est accusé d’avoir, avec l’aide d’un comparse et de sa compagne, à des degrés divers, engendré la mort de son ami « Diego », avant de le découper, de le faire cuire et de l’incendier.
Le procès doit durer jusqu’à jeudi.
Il avait quitté le nord de la France en mars 2019, direction Plaisance, dans l’Aveyron. C’est dans ce petit village de moins de 221 habitants que Philippe S. et sa compagne Nathalie C. se sont installés cette année-là. C’est là qu’il s’était présenté à son arrivée comme « druide », un nom qui n’aura échappé à personne, alors que s’ouvre son procès.
À partir de ce lundi 19 mai et jusqu’à jeudi soir, Philippe S., 58 ans, son complice présumé Loup B. et sa compagne Nathalie C. comparaissent devant la cour d’assises de l’Aveyron. Il leur est reproché d’avoir, entre le 27 janvier 2023 et le 8 février 2023, causé la mort de Georges, alias « Diego », que Philippe S. considérait selon ses propres mots comme son « frère », avant de le découper en morceaux, de les faire cuire et de les incinérer pour les faire disparaître.
Le « druide » est jugé pour « séquestration suivie de mort », « recel et atteinte à l’intégrité d’un cadavre », son complice pour « séquestration suivie de mort » et de « complicité » pour les autres faits, tout comme Nathalie C. qui soutient ne jamais avoir participé au crime ou avoir décidé de faire disparaître le corps de la victime.
Ils voulaient au départ voler de l’argent et du cannabis…
Comment le trio s’est-il retrouvé au cœur de cette sordide affaire ? D’après les déclarations du principal suspect, c’est pour s’en sortir financièrement mais aussi pour venger une fille que la victime aurait, selon Philippe S., violée (ce qui n’a jamais été prouvé) qu’ils auraient fomenté ce plan macabre. L’idée originelle était, selon eux, de voler à « Diego », quinquagénaire, fin connaisseur des plantes, joueur de pétanque et de guitare et père de trois enfants, de l’argent et du cannabis qu’il cultivait près de sa petite maison sans eau ni électricité, au milieu des bois de Brasc.
Le 27 janvier 2023, le trio se serait donc rendu dans sa maison en fin de journée, avant que la situation ne dégénère. Dans une première version, Philippe S. a d’abord évoqué un « accident », une mauvaise chute, pour justifier de la mort du défunt, avant de revenir devant le juge d’instruction fin février 2023 sur ses déclarations. Le « druide » a alors expliqué que ce jour-là, lui, Nathalie C. et Loup B. étaient allés chez « Diego », et que les deux hommes l’avaient bâillonné et attaché « sans avoir voulu lui faire de mal ».
Les malfaiteurs disent lui avoir ensuite demandé où se trouvait l’argent et l’avoir contraint à leur donner les codes de sa carte bancaire. Ils l’ont ensuite frappé et laissé seul pendant qu’ils fouillaient le domicile en quête de ce qu’ils étaient venus chercher. Peu après, Loup B. aurait retrouvé la victime « canée » selon ses mots. Les trois s’étaient alors mis à « fumer quelques joints », pour savoir quoi faire.
Corps découpé, placé dans des marmites ou brûlé
Décision a alors été prise d’envelopper le cadavre dans une couette, avant de le déposer dans un grand sac et de le charger dans le véhicule de la victime puis de le transporter sur un terrain appartenant à Philippe S. à Coupiac. Lui et son comparse auraient alors attendu deux ou trois jours « pour respecter la transmigration de l’âme » avant de poursuivre leur tâche.
À l’aide d’un couteau et d’une feuille de boucher, Philippe S. aurait découpé le corps de « Diego ». Une partie du corps « piécé » aurait été ensuite déposé dans un bidon bleu contenant de l’eau et de la javel, avant d’être brûlé sur le terrain de Coupiac pour une partie, tandis que d’autres morceaux étaient rapportés au domicile de « Diego » par Philippe S. et Loup B.
Là, ils auraient fait chauffer de l’eau dans deux marmites avant de placer la tête dans l’une et le reste des morceaux dans l’autre, le tout mélangé à des légumes et à des herbes « pour que la chair brûle plus vite et pour les odeurs ». Ils auraient ensuite allumé deux feux pour y incinérer la victime.
Ils font croire que la victime est partie « changer d’air »
Pendant plusieurs jours, le trio a, selon l’accusation, profité de l’argent de la victime. Et fait comme si elle était vivante… Depuis le téléphone du défunt, le trio a ainsi envoyé plusieurs SMS à ses proches, indiquant parfois qu’il « avait revu » une ex et qu’il partait « en camping-car avec elle », d’autre fois qu’il était « parti en direction de la Bretagne avec une copine changer d’air et voir du pays ».
L’alerte sera donnée le 5 février 2023, par l’ex-femme de « Diego », qui, inquiète de ne pas avoir de ses nouvelles, avait appelé les gendarmes. En se déplaçant devant le domicile de l’homme, les militaires avaient effectivement constaté son absence après avoir sonné à sa porte et l’avaient inscrit au fichier des personnes recherchées avant de placer sous surveillance son véhicule Jumpy. C’est le témoignage d’une amie de « Diego » qui les a mis sur la piste du trio après avoir vu Nathalie C. dans la voiture de son amie. Celle-ci avait alors déclaré que « Diego » était parti en voyage et qu’il avait demandé à son ami Philippe S. de nourrir les animaux.
Le 8 février 2023, les gendarmes avaient pu finalement s’introduire à l’intérieur du domicile du défunt et avaient constaté une odeur nauséabonde dans la maison ainsi que des traces de foyers d’incendie dans le jardin. Dès le lendemain, Philippe S. était placé en garde à vue.
« Potion Magix » aux plantes, « Pizza »
Interrogés par la suite, ceux qui ont côtoyé Philippe S. au fil des ans en ont fait un portrait peu reluisant. A l’éco-village où il habitait, les témoins parlent d’une personne qui cherchait « à avoir de l’emprise sur les gens autour de lui ». Ses ex-compagnes, dont les mères successives de ses trois enfants, parlent d’un homme qui « vivait à leur crochet », « infidèle » et qui s’était déclaré photographe pour les amener à poser nue et à pousser l’une à la pornographie via un rassemblement de personnes « natures et spirituelles ».
Associé à l’une d’elle pour monter une société de plantes thérapeutiques, il avait fait pousser des plants de cannabis au milieu des plants de tomates, puis mis au point des « potions magix » avec des plantes aphrodisiaques. Sous son emprise, cette même femme avait fini, selon elle, dans des clubs libertins et avait été soumise à une relation sexuelle avec un inconnu.
Avec Nathalie C., sa dernière compagne et complice présumée dans l’affaire jugée aujourd’hui, il s’était converti en pizzaïolo et avait ouvert un commerce ambulant de pizza avant de repasser aux fameuses « potions magix » pour les commercialiser. Il se serait montré violent à son égard quand les choses ne lui étaient pas favorables.
« Je comprends la colère et le dégoût que je peux évoquer »
Au premier jour de son procès d’assises à Rodez ce lundi, Philippe S. a reconnu devant la cour avoir commis « une folie qui n’aurait jamais dû avoir lieu ». « Je ne comprends pas comment cela a pu arriver et pourtant c’est arrivé », a dit le principal accusé. « Je n’ai pas de mots pour exprimer ma culpabilité, mes regrets, je comprends la colère et le dégoût que je peux évoquer », a déclaré le principal accusé.
À l’un des experts psychiatres qui l’avait interrogé, il avait tout de même osé une déclaration qui n’est pas passée inaperçue : « J’en ai chié, vous savez, on croit que c’est facile de le mettre dans un big-bag (le fameux gros sac dans lequel le corps a été transporté)… J’ai dû découper le corps, vous ne pouvez pas comprendre combien j’ai souffert… »