dimanche, mai 19

LETTRE DU BENELUX

L’avocate néerlandaise Inez Weski arrive au tribunal de l’aéroport de Schiphol (Pays-Bas), pour une audience dans le cadre du vaste processus de liquidation « Marengo », le 11 août 2020.

Avec son maquillage façon gothique, ses robes toujours noires et son humour de la même teinte, l’avocate Inez Weski est une icône des prétoires néerlandais, capable, comme elle le fit en 2018, de plaider deux jours durant pour défendre un accusé.

Le 21 avril 2023, alors qu’elle vient de céder son étude de Rotterdam, cette figure très médiatique voit débarquer chez elle une escouade de la police. Elle n’a pas le temps de nourrir ses chats et est conduite dans un cachot souterrain, presque totalement privé de lumière et dont elle ignore aujourd’hui encore la localisation. A 69 ans, après quarante-cinq années de métier, l’une des plus célèbres avocates du royaume est soupçonnée de participer à une organisation criminelle. Et pas n’importe laquelle : la surpuissante Mocro Maffia, coupole de diverses organisations criminelles marocaines spécialisées dans le trafic de cocaïne et dirigées par le sanguinaire Ridouan Taghi, 46 ans.

Inez Weski est, à l’époque, l’avocate du truand, extradé en 2019 de Dubaï vers les Pays-Bas, une défense à laquelle elle renoncera peu après avoir été arrêtée. Un interminable procès curieusement baptisé « Marengo » − en vertu du choix aléatoire d’un nom par un ordinateur, selon la coutume de la justice néerlandaise − a été intenté à M. Taghi et seize de ses comparses. Les audiences se sont terminées en février 2024, avec la condamnation à perpétuité du chef du réseau, jugé notamment coupable de cinq assassinats et de deux tentatives d’assassinat. La liste des règlements de comptes imputés à la « Mocro » est bien plus longue et comporte les noms d’un avocat, Derk Wiersum, et d’un journaliste d’investigation, Peter R. de Vries.

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Détention dans un « bunker »

Mme Weski est soupçonnée d’avoir aidé son client à faire passer des messages alors qu’elle était la seule autorisée à le rencontrer dans sa prison, en principe ultrasécurisée. La mise au jour par la police du réseau Sky ECC a, selon le parquet, livré des preuves permettant d’incriminer l’avocate, qui aurait aussi communiqué à M. Taghi des éléments confidentiels du dossier d’enquête. Libérée après quarante et un jours, Mme Weski attend désormais la date de son procès.

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Et si elle avoue avoir songé, un temps, à terminer sa vie « dans une grotte », elle a repris du poil de la bête. Il n’était évidemment pas question pour cette femme rompue aux plus grandes affaires criminelles de laisser le champ libre à l’accusation. Vendredi 19 avril, elle publiait donc un livre écrit dans le plus grand secret : Het geluid van de stilte (« le bruit du silence », éditions Lux, non traduit), récit de sa détention dans le « bunker » où, dit-elle, elle tournait en rond « comme un tigre de Sibérie ». Elle affirme que certains de ses « persécuteurs », qui connaissaient ses problèmes de santé, n’auraient pas vu d’un mauvais œil qu’elle décède dans ce lieu anonyme où elle a d’ailleurs, selon ses dires, fait un début de coma.

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