mercredi, mai 22

A ce niveau de chaleur, chaque dixième de degré est une épreuve supplémentaire. Le 3 avril, la ville de Kayes, dans l’ouest du Mali, a affiché une température de 48,5 °C en fin de journée, selon l’Agence nationale de la météorologie, battant le précédent record continental (48,3 °C) enregistré dans la ville de Karima, sur les rives du Nil, au Soudan, en 2003. Cette envolée du mercure est la manifestation la plus spectaculaire de la vague de chaleur extrême qui frappe le Sahel et toute l’Afrique de l’Ouest depuis fin mars. Si cette période de l’année marque le début de la saison chaude, les relevés réalisés presque partout dans la zone – avec des valeurs moyennes parfois supérieures à 45 °C – sont anormalement élevés.

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Quelle en est la cause ? Seul le changement climatique peut expliquer une telle situation, affirme l’étude publiée jeudi 18 avril par le World Weather Attribution (WWA). Ce réseau de scientifiques créé en 2014 examine les liens entre la multiplication des événements climatiques extrêmes (sécheresses, tempêtes…) et le réchauffement de l’atmosphère lié à l’utilisation des énergies fossiles. « Cette vague de chaleur n’aurait pas été possible sans le changement climatique », assure-t-il, focalisant son analyse sur les données des cinq journées consécutives les plus chaudes observées entre le 31 mars et le 4 avril dans le sud du Mali mais aussi au Burkina Faso voisin, où des pics de températures extrêmes se sont également produits.

Pour aboutir à ce constat, les scientifiques ont comparé à l’aide de modèles climatiques les données enregistrées dans le climat actuel, marqué par une hausse moyenne de la température mondiale de 1,2 °C, et ce qu’elles auraient été dans le climat plus froid de l’ère préindustrielle. Selon leurs résultats, dans le sud du Mali et au Burkina Faso, les températures maximales durant la journée ont gagné 1,5 °C du fait du réchauffement et 2 °C la nuit, créant des conditions difficilement supportables pour les plus fragiles. La persistance de températures nocturnes dépassant les 30 °C empêche le corps de se reposer et de récupérer, entraînant un réel danger pour la santé, insistent les auteurs pour justifier l’importance de ce suivi.

La probabilité qu’une vague de chaleur de cette intensité survienne est évaluée à une fois tous les 200 ans, précise l’étude. Dans le scénario d’un réchauffement mondial de 2 °C – une hypothèse hautement probable –, sa fréquence serait multipliée par dix, avec des températures extrêmes encore supérieures de 1 °C. Les climatologues ont aussi mené cet exercice d’attribution dans les autres pays situés pour tout ou partie dans la bande sahélienne, comme la Mauritanie, le Sénégal, le Niger, le Nigeria ou le Bénin – où des températures anormalement élevées, bien que moindres à celles du Burkina Faso et du Mali, ont aussi été observées. La responsabilité du changement climatique reste pointée.

Surmortalité

L’étude n’établit en revanche qu’un lien très marginal entre l’épisode caniculaire sahélien et le phénomène climatique naturel El Nino en cours, dont les effets sur l’Afrique australe sont à l’inverse clairement identifiés.

Ces chaleurs extrêmes sont la cause d’une surmortalité – difficilement quantifiable de manière précise – même parmi des populations habituées à des climats arides. Début avril, le centre hospitalier Gabriel-Touré de Bamako a alerté sur la recrudescence des décès de personnes âgées de plus de 60 ans, atteintes de maladies chroniques pour la plupart : 100 admissions suivies de décès ont été enregistrées entre le 1er et le 4 avril, presque autant que durant tout le mois d’avril 2023. Au Mali et au Burkina Faso, du fait notamment des conflits en cours, plusieurs millions de personnes se trouvent en situation d’urgence humanitaire et sont d’autant plus vulnérables au dérèglement climatique.

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« La chaleur qui sévit toute l’année fait partie de la vie du Sahel. Cependant, les températures extrêmes ont été sans précédent dans de nombreux endroits. Pour certains, une vague de chaleur de 1,4 °C ou 1,5 °C plus chaude en raison du changement climatique peut ne pas sembler une augmentation importante. Mais cette chaleur supplémentaire a fait la différence entre la vie et la mort pour de nombreuses personnes », souligne Kiswendsida Guigma, du Centre climatique de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge au Burkina Faso, qui a participé à l’étude.

Les travaux menés par le WWA ont pour objectif de sensibiliser sur l’impact de la combustion non maîtrisée des énergies fossiles, mais ils pourraient aussi être utilisés dans les discussions sur le financement de l’adaptation au changement climatique entre les nations industrialisées et les pays les plus pauvres, notamment africains, dont la responsabilité dans le réchauffement est insignifiante.

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Or les budgets nécessaires pour affronter les conséquences des sécheresses ou des inondations ne cessent d’augmenter. « Le coût des catastrophes climatiques a doublé dans les pays les plus pauvres au cours de la dernière décennie, selon des calculs de la Banque mondiale publiés lundi. Les pertes économiques imputables au climat y représentent en moyenne 1,3 % du PIB par an, soit quatre fois la moyenne d’autres économies émergentes. »

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