En 2007, le directeur de campagne de Nicolas Sarkozy, Claude Guéant, loue un coffre-fort de la taille d’un homme en plein cœur de Paris. La solution « la plus simple » pour stocker des « documents confidentiels » qui « s’accumulaient », a-t-il affirmé lundi à un tribunal sceptique.
Entre le 21 mars et le 31 juillet 2007, le bras droit du ministre de l’Intérieur lancé dans la course à l’Élysée s’est rendu à sept reprises dans une chambre forte louée à la BNP Paribas place de l’Opéra, dans le 9e arrondissement.
Pour l’accusation, elle a servi à entreposer les espèces transmises par le dictateur libyen Mouammar Kadhafi afin de financer la campagne de Nicolas Sarkozy et remises place Beauvau dans des valises par l’intermédiaire Ziad Takieddine.
Rien à voir selon Claude Guéant, 80 ans. S’il a loué le coffre, c’est parce qu’il lui est « apparu » qu’il gardait dans son armoire, au QG de campagne, « des documents qui présentaient une sérieuse confidentialité » et qu’il était peu à peu « envahi par les documents qui s’accumulaient ».
Son agence bancaire « n’avait pas » de coffre de petite taille, il a donc été « orienté » vers celle de l’Opéra, qui n’avait « plus qu’une seule possibilité, une chambre forte, qui était volumineuse, presque comme une pièce ».
In fine, il dit y avoir déposé l’équivalent d' »une petite cantine » et y être allé le 23 mars, puis le 9 mai et deux fois en juillet, soit après le second tour – « on voit bien que je n’ai pas puisé dans les prétendues espèces pour alimenter la campagne ! »
Pourquoi ne pas avoir placé un petit coffre au QG, s’étonne la présidente du tribunal, Nathalie Gavarino. « Ça m’a semblé plus simple ». Pourquoi paie-t-il les 490 euros de frais sur ses deniers personnels ? « Ça m’a paru plus simple ».
Interrogé sur la nature des documents, il évoque un « dossier » sur la « mise en cause injustifiée » de Nicolas Sarkozy pour des travaux dans son appartement de l’île de la Jatte mais aussi « la composition idéale du gouvernement » ou encore « des notes ».
– « Objet rectangulaire » –
Claude Guéant a aussi déclaré y avoir stocké « des discours ». « Je ne comprends pas très bien comment un discours de M. Sarkozy de 2005 ou 2006, on a besoin de le mettre dans un coffre », souligne la présidente.
« Il fallait bien que je les range quelque part, alors je les ai rangés là », répond benoîtement Claude Guéant.
Une solution « bien compliquée » pour des discours qui étaient, en plus, « publics », insiste la magistrate.
« Les locaux étaient extrêmement exigus, l’armoire se remplissait… J’ai transféré ce que je voulais garder tout simplement parce qu’il y avait de la place ! »
Me Vincent Brengarth en partie civile relève qu’une employée de la BNP l’a vu « au moins une fois » avec un « objet emballé de forme rectangulaire, imposant ». « Ce serait un carton emballé avec des discours ? »
« Aucun souvenir », déclare M. Guéant. « Vous pourriez au moins convenir que si c’était un objet rectangulaire, ça n’était pas des espèces ».
« Ou des espèces dans un objet rectangulaire emballé… », réplique l’avocat.
Plus tard, Nicolas Sarkozy est appelé à la barre.
« M. Guéant ne m’a pas informé qu’il louait ce coffre. Mais s’il avait eu quelque chose à cacher de frauduleux, est-ce que c’est raisonnable de réserver un coffre à son nom dans la première banque d’Europe ? » lance-t-il.
Eric Woerth a reconnu que 35.000 euros en liquide étaient arrivés au QG et avaient été distribués en primes illégales. « Est-ce qu’il m’en a parlé ? Non. Est-ce que je lui en veux ? Non », s’emporte-t-il, estimant que cette somme était négligeable par rapport aux montants en jeu.
Et cela n’est pas de l’argent libyen, répète-t-il. « On est tellement loin des chiffres de Kadhafi et son équipe », qui ont parlé de millions d’euros – l’accusation estime néanmoins que des prestataires ont pu être payés en cash.
Le parquet financier l’interroge sur la comparaison avec sa campagne de 2012 qui, en ajoutant les fausses factures, a coûté 43 millions d’euros – contre 21 millions en 2007. Le différentiel ne serait-il pas venu de Tripoli ?
« En 2012, c’est Bygmalion qui a fait déraper les comptes ! » assure Nicolas Sarkozy, condamné dans cette autre affaire. « Elle est là, la grande différence ».
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