jeudi, mai 9
Le lieu de l’attaque commise par Youssef Tihlah contre deux policiers, à Colombes (Hauts-de-Seine), le 27 avril 2020.

C’est un terroriste paradoxal. Il a tout préparé, l’achat d’un couteau, le texte de revendication, l’allégeance à un émir de l’organisation Etat islamique (EI), le discours de « soldat » du djihad en garde à vue, mais il est passé à l’acte sur un coup de tête, sans réfléchir ni même appliquer l’objectif qu’il s’était fixé : mourir en « martyr » et gagner le « paradis » à coup sûr. Le 27 avril 2020, Youssef Tihlah fonçait en voiture sur un groupe de policiers en train de contrôler un véhicule boulevard de Valmy à Colombes (Hauts-de-Seine). Il s’est déporté sur la voie de gauche et a accéléré sur une vingtaine de mètres, le temps de passer de 50 à 60-70 km/h. « J’ai donné un coup de volant », résume-t-il.

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Le choc est très violent mais pas mortel : deux motards, pied à terre et tête nue, sont grièvement blessés. L’équipage de la police municipale également présent sur les lieux s’en sort avec des ecchymoses. Un de ses membres braque avec son arme Tihlah, qui sort de sa voiture sans dégainer son couteau pourtant dans le vide-poche de sa portière. Il dit : « c’est la guerre », à plusieurs reprises et s’allonge au sol, face contre terre, comme il lui est intimé. En garde à vue, il récite le catéchisme djihadiste : les policiers sont comme des soldats, la France tue des musulmans, elle soutient Israël qui tue les enfants palestiniens. A l’audience, il dit désormais qu’il allait mal, qu’il voulait mourir en s’attaquant à des policiers mais ne voulait pas tuer.

Ni politique, ni religion, ni sentiments

L’attentat a eu lieu en plein confinement. Les feux ravagent l’Australie et les sauterelles l’Afrique, Youssef Tihlah y voit le signe de la fin des temps. Dépressif et renfermé, il se met à regarder des vidéos islamistes à haute dose sur YouTube. Il a peur de mourir et d’aller en enfer. Le djihad lui semble le moyen le plus sûr pour gagner le paradis. A ses proches, il ne dit rien au téléphone.

Dans cette famille d’origine marocaine de cinq enfants, dont Youssef est le dernier, on ne parle de rien d’important, jamais. Ni politique, ni religion, ni sentiments. « C’est boulot, le temps qu’il fait, les repas c’est tout », dit-il. Dans cette anomie affective et intellectuelle, le djihad lui apparaît comme une aventure, puis une nécessité. Il se radicalise seul en quelques semaines.

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Youssef Tihlah n’est pas allé au paradis mais en prison. Il sait qu’il y est pour longtemps : « Je vais prendre une grosse peine, je sais […] Je ne vais pas crier à l’injustice. C’est moi l’auteur. » Il risque la prison à perpétuité. Depuis le début de l’audience devant la cour d’assises spéciale de Paris, lundi 11 mars, le terroriste présumé ne cesse de répéter en substance ce mantra : j’ai fait une grosse bêtise, j’assume, je regrette et je vais aller en prison.

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