lundi, mai 20

LETTRE DE CUZCO

Le journaliste d’investigation Gustavo Gorriti, chez lui, à Lima, le 26 avril 2024.

A la fin du mois de mars, une nouvelle inquiétante attendait le célèbre et respecté journaliste d’investigation péruvien Gustavo Gorriti, 76 ans. Une lettre l’informait de l’ouverture d’une enquête du parquet à son encontre et lui demandait de livrer son téléphone pour identifier ses sources, en violation de la convention interaméricaine des droits humains et de la Constitution de son pays. Sa faute ? Un délit de corruption présumé en lien avec des magistrats. Une accusation fondée sur un témoignage douteux, selon ses soutiens, qui estiment que la justice lui reprocherait surtout un excès de zèle dans sa couverture de plusieurs affaires emblématiques. Un moyen de le faire taire et d’accéder à ses communications, selon les associations de défense des médias.

Gustavo Gorriti, connu pour avoir exercé son métier avec grand sérieux – il est considéré comme l’un des plus grands journalistes latino-américains – et non sans mal – il fut séquestré en 1992 sous la présidence d’Alberto Fujimori (1990-2000) –, n’a pas été surpris. Son travail a souvent mené à la révélation de scandales de corruption, notamment dans l’affaire dite « Odebrecht », qui a exposé les plus hauts dirigeants du Pérou. Chemise et allure impeccables, malgré un traitement contre un cancer, il dénonçait depuis des mois une « campagne de discrédit » à son encontre.

Le journaliste a été constamment harcelé ces dernières années par des groupes radicalisés d’ultradroite, certains proches du « fujimorisme », comme La Resistencia. Ils lui reprochent d’être au service des « terroristes », vocable hérité du conflit armé péruvien se référant à l’extrême gauche et, par extension, à tout mouvement contestataire.

Lire aussi, en 2021 : Article réservé à nos abonnés Le Pérou confronté à la montée des groupes d’extrême droite

La Resistencia et d’autres organisations font régulièrement le pied de grue devant le modeste siège de son média en ligne, IDL Reporteros, dont les bureaux ont pignon sur rue. Par conséquent, le journaliste travaille avec les volets fermés et a renforcé sa sécurité personnelle. Mais ce qui trouble, dans ce dernier épisode, c’est le rôle joué par les autorités.

« On assiste à une guerre du parquet contre le journalisme d’investigation », affirme Rodrigo Zimmermann, directeur du Conseil de la presse, une entité chargée de veiller au bon exercice des médias. « Elle inclut espionnage, infiltration, exigence de révélation de sources, harcèlement et interdiction de couvrir certains faits d’intérêt public », ajoute-t-il.

« Détérioration constante depuis 2016 »

Le Conseil de la presse a publié un rapport, fin avril, pointant l’action néfaste du ministère public et son « rôle alarmant dans les agressions contre la presse ». Les auteurs du rapport insistent en particulier sur les initiatives d’une fonctionnaire, Patricia Benavides, devenue procureure générale en 2022, estimant qu’elle « cautionne l’ouverture d’enquêtes contre des journalistes pour leur couverture critique ». Mme Benavides, aujourd’hui suspendue, est visée par une enquête pour trafic d’influence.

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