samedi, septembre 21

Dans la recette de la dinde aux marrons, le plus dur, c’est de faire rentrer la dinde dans le marron. Montrer les collections romaines de la famille Borghèse, qui occupaient plusieurs palais, dont la somptueuse villa Borghèse, bâtie par le cardinal Scipion Caffarelli-Borghèse au début du XVIIe siècle sur la colline du Pincio avec un parc de 80 hectares, dans le mouchoir de poche que sont les huit salles d’exposition du Musée Jacquemart-André, à Paris, relève du même défi.

Malgré l’exiguïté des lieux, on saluera les commissaires de l’actuelle exposition, Francesca Cappelletti et Pierre Curie, d’avoir réussi ce petit miracle. Ils ont su présenter, réduite à l’os, mais avec la saveur d’un fond de sauce longuement mitonné, l’essence, le suc des folies du cardinal et de ses successeurs. Les visiteurs doivent donc savoir qu’ils ne vivront pas les agapes de Pantagruel, mais plutôt une expérience de nouvelle cuisine. Ils se bousculent pourtant au festin.

Cela n’a pas été sans quelques frustrations, notamment pour Pierre Curie, le conservateur de Jacquemart-André, à qui sa cocommissaire, directrice de la Galerie Borghèse, laissait table ouverte. Il pouvait choisir à peu près ce qu’il voulait, excepté certains tableaux trop fragiles (sans compter ceux qui, insérés dans les murs, auraient dû être démontés au burin…) ou certaines sculptures trop lourdes pour voyager, pour composer son menu.

Il en avait donc concocté un, idéal, avant de constater que quelques-uns de ses ingrédients ne rentraient pas dans la casserole, et de devoir y renoncer. Il est toutefois parvenu à caser le grand tondo de Botticelli, en sacrifiant son cadre d’origine pour le remplacer par un entourage plus sobre et moins délicat. On appréciera aussi les deux corbeilles de fruits, l’une portée par un jeune et avenant garçon peint par le Caravage, l’autre posée sur la table du Concert, de Gerrit Van Honthorst, qui, accrochée dans la même salle, lui fait un écho appétissant.

Sommes colossales

Trente-neuf tableaux et quatre sculptures, donc, qui donnent un aperçu des goûts du cardinal Scipion Caffarelli-Borghèse : il est fou du Caravage, soutient sans réserve le Bernin, qu’il a connu tout jeune, et ne limite pas ses choix aux artistes romains, puisqu’il acquiert aussi des œuvres en provenance de toute l’Italie, et principalement de Venise. Un fait rare à une époque où régnait l’esprit de clocher. On ne peut lui trouver pour seul précurseur, mais dans un autre registre, que le cardinal Pietro Bembo, qui rêvait, un siècle plus tôt, d’unifier l’Italie en la dotant d’une langue commune, fondée sur le toscan.

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