dimanche, juin 30

C’était le cœur battant du quartier, c’est un champ de ruines. Quelques morceaux de murs tiennent encore debout au milieu des gravats et de la tôle cramée que l’on devine derrière de longues palissades blanches. Le centre commercial de la Croix-Blanche n’est plus qu’une immense balafre au milieu des tours de ce secteur qui n’était déjà pas le plus bucolique du Mée-sur-Seine (Seine-et-Marne). A peu près rien n’a bougé, en un an.

Sur le mur d’un immeuble à proximité des décombres, ce tag subsiste : « Justice pour Nael 77 350 ». Après le poste de police municipale, la veille, le centre commercial en forme de U, vestige des années 1960, avait été la cible d’une soixantaine de jeunes au visage masqué dans la nuit du 29 au 30 juin 2023, la seconde nuit d’émeutes consécutives à la mort de Nahel, tué par un policier lors d’un contrôle à Nanterre.

L’incendie s’est déclaré à 2 heures du matin au bar-tabac Le Flash, à un bout du U, puis s’est propagé de vitrine en vitrine en passant par la charpente. A l’autre bout du U, le Carrefour City a pris feu en dernier, à 6 heures. Entre les deux, une vingtaine de magasins réduits en cendres : trois boulangeries, deux boucheries, deux primeurs, deux restaurants, deux épiceries, deux coiffeurs, le cordonnier, la retoucheuse, le bijoutier, la banque, le salon de tatouage-piercing.

« Je crois qu’en termes de commerces incendiés, on a eu le pompon », soupire Franck Vernin, maire (UDI) du Mée-sur-Seine, qui, en vingt et un ans de mandat, n’avait jamais vu pareille flambée de violences dans ce quartier pauvre mais pas sensible, resté calme lors des émeutes de 2005. L’agitation est d’ailleurs retombée aussi vite qu’elle était montée : « La disparition du centre commercial a été un traumatisme pour tout le monde, même pour les auteurs, suppose le maire. Ils se sont peut-être dit que c’était allé trop loin. »

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Une nuit de colère, un an de galère pour des milliers d’habitants, qui ont d’abord été totalement privés de commerces de proximité pendant neuf mois. Les magasins les plus proches, à Plein-Ciel, petit centre commercial voisin, sont à un quart d’heure à pied, ce qui est long quand on a un certain âge et des sacs à porter. « Moi, j’ai de la chance, j’ai une voiture, mais j’ai vu une amie pleurer parce qu’elle n’en avait pas », raconte Louisette (le prénom a été modifié), Méenne de 82 ans croisée le long des barricades blanches.

Le centre commercial Plein-Ciel, au Mée-sur-Seine (Seine-et-Marne), le 21 juin 2024.

Le commerce a commencé à revenir au printemps, au compte-gouttes, comme il pouvait : le Carrefour, priorité absolue, a rouvert fin mars dans le préau d’une école maternelle désaffectée. C’est un peu à l’écart, les clients ont pris d’autres habitudes entre-temps, et celui qui venait boire son café au Flash et en profitait pour faire une course imprévue ne vient plus. Le chiffre d’affaires a perdu deux tiers. « On arrive quand même à bricoler, ça progresse », sourit Aly Dia, le vaillant patron.

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