La dernière fois que Peter Cherif a pris la parole devant une cour d’assises, c’était le 23 octobre 2020, au procès des attentats de janvier 2015 contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher. Le djihadiste parisien était alors entendu comme simple témoin par visioconférence depuis la prison de Bois-d’Arcy (Yvelines). Après avoir récité en arabe la sourate d’ouverture du Coran, il avait déclaré : « On m’a forcé à venir ici pour témoigner sur une affaire avec laquelle je n’ai rien à voir, je ne répondrai à aucune question. » Il avait ensuite observé un long silence glacial, refusant de répondre aux questions pendant vingt minutes.
Son mutisme avait suscité un profond malaise dans la salle, tant sont lourds les soupçons qui pèsent sur ce vétéran du djihad, suspecté d’être une des pièces manquantes du projet terroriste des frères Saïd et Chérif Kouachi, qui ont assassiné douze personnes, le 7 janvier 2015, dont huit membres de la rédaction de Charlie Hebdo. La chronologie des investigations n’avait cependant pas permis de le renvoyer dans le box des accusés : quand Peter Cherif a été arrêté à Djibouti, en décembre 2018, après avoir passé sept ans au Yémen dans les rangs d’Al-Qaida dans la péninsule Arabique (AQPA), les juges d’instruction venaient de boucler leur enquête.
Plus de cinq ans après cette arrestation surprise sur les rives du golfe d’Aden, c’est donc seul que le djihadiste parisien de 42 ans comparaît, à partir du lundi 16 septembre, devant la cour d’assises spéciale de Paris pour « association de malfaiteurs terroriste ». Il devra répondre de son séjour dans les rangs d’AQPA, de son implication dans la gestion de trois otages français kidnappés en 2011 par le groupe terroriste, mais aussi du rôle qu’il a pu jouer lors du séjour yéménite de son ami d’enfance, Chérif Kouachi, à l’occasion duquel ce dernier avait été missionné par AQPA pour commettre l’attentat contre Charlie Hebdo.
Les amis de quartier
Peter Cherif et Chérif Kouachi se connaissent depuis leur adolescence, passée dans une cité populaire du 19e arrondissement de Paris. Avec d’autres jeunes du quartier, dont Saïd Kouachi et Boubaker El-Hakim, futur haut cadre de l’organisation Etat islamique, ils se sont radicalisés au contact d’une figure religieuse charismatique au sein de ce petit cercle, Farid Benyettou. Les deux amis de quartier avaient ensuite été condamnés pour leur participation à une filière d’envoi de djihadistes vers l’Irak au milieu des années 2000, la filière dite « des Buttes-Chaumont ».
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