Arnaud (58 ans) et Jean-Marie (59 ans) Larrieu, deux quasi-siamois lourdais, sont entrés dans l’arène cinématographique en 1999 avec Fin d’été. Ils y apportent, outre des tournages récurrents dans leur montagne Noire, un éclectisme joyeux, une façon très personnelle d’approcher les genres, un art tout à eux, sans renoncement et sans illusion, de cultiver les utopies et de ne jamais tourner en rond. Vingt-cinq ans de fraternel turbin cinématographique – rien que ça est de l’ordre du miracle – et une inspiration qui tient crânement la route. Pour preuve, ce Roman de Jim, adapté d’un roman de Pierric Bailly (P.O.L, 2021), neuvième long-métrage du tandem qui raconte, sur une durée de vingt ans, l’éloignement cruel et les improbables retrouvailles d’un beau-père et de son beau-fils après que la mère l’a soustrait à son amour. Un mélo sec et poignant, qui pourrait concourir au titre du plus beau film qu’ils aient jamais réalisé.
On n’a pas le sentiment d’avoir vu jusqu’à présent, devant votre caméra, un film aussi cruel. En aviez-vous une sorte de prescience en le faisant ?
Jean-Marie Larrieu : La question ne s’est pas tout à fait posée en ces termes. On a adoré le roman, et la question principale pour nous a été : comment sert-on, cinématographiquement, le propos ?
Arnaud Larrieu : L’adaptation, pour nous, c’est aussi l’occasion rêvée d’aller sur un terrain qui n’est pas foncièrement le nôtre. Mais cette cruauté, notamment à travers le personnage de Florence, qu’interprète Laetitia Dosch, était indéniablement dans le roman.
J.-M. L. : Mais on a tout fait pour l’atténuer quand même, nous assumons notre « renoirisme » : chacun ici a ses raisons…
A. L. : Oui, mais, déjà dans le roman, il y a de toute façon une complexité dans le personnage qui dépasse sa cruauté, même si, dramaturgiquement disons, oui, c’est elle la méchante.
On a l’impression que vous avez aussi conformé ce personnage selon une sorte de sociotype qui contient sa part d’ironie : c’est la révolutionnaire aux champs, qui fait volontiers la morale à ses amies mais qui se comporte comme la dernière des égoïstes…
J.-M. L. : Non, elle n’est pas aussi connotée que cela. Les personnages dans notre film ne se pensent pas. Disons que la scène à laquelle vous faites allusion, dans laquelle elle détruit son amie, c’est un gros coup de colère. Nous préférerions dire qu’il y a chez elle des stratégies inconscientes.
A. L. : La violence qu’elle fait incontestablement subir à Aymeric, elle ne veut pas l’infliger. Elle fait ce qu’elle pense être le mieux pour elle et pour son fils.
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