dimanche, mai 19

Le premier discours de la Sorbonne d’Emmanuel Macron, en 2017, se voulait fondateur d’une Europe souveraine, d’une Europe d’espoir, « l’Europe qui protège ». Dans son deuxième discours à la Sorbonne, jeudi 25 avril, le président de la République a acté la sombre évolution du monde en brossant le tableau d’une Europe qui, pour pouvoir protéger ses citoyens, doit d’abord impérativement se protéger elle-même.

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C’est en effet une perspective quasi apocalyptique que M. Macron a offerte en avertissant que « l’Europe peut mourir » face aux dangers qui la menacent. L’effet de dramatisation est voulu ; il n’est pas étranger à ce chef de l’Etat qui avait déjà, en 2019, décrété l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) « en état de mort cérébrale ». La guerre d’agression russe en Ukraine a servi d’électrochoc et l’OTAN se porte aujourd’hui mieux que jamais.

Les remèdes que propose Emmanuel Macron pour défendre l’Europe sont donc à la hauteur des défis qu’il décrit. La possibilité, d’abord, d’un allié américain qui se désintéresse de la défense de l’Europe, quel que soit son président, est clairement abordée : les Etats-Unis ont deux priorités, eux-mêmes et la Chine, souligne M. Macron. Ce constat impose de construire « une défense européenne crédible » pour assurer la sécurité d’une Europe « encerclée » par des « puissances régionales désinhibées », telles que la Russie et l’Iran. On notera au passage le déclassement de la Russie en puissance régionale ; il n’échappera sans doute pas à Vladimir Poutine, qui avait déjà considéré que cette qualification était insultante lorsqu’elle avait été formulée en 2014 par le président Barack Obama.

Investir massivement

Cette défense européenne, appuyée par le pilier européen de l’OTAN mais pas seulement, doit pouvoir répondre à l’« accélération du réarmement du monde ». L’« Europe puissance » que le président français appelle de ses vœux doit donner la préférence à sa propre production d’armements plutôt que de les acheter massivement aux Etats-Unis, et compter aussi avec la force de dissuasion nucléaire française, dont la vocation européenne est réaffirmée.

Le « changement de paradigme » qu’Emmanuel Macron juge nécessaire pour la survie de l’Europe s’applique autant à l’économie qu’à la sécurité. Là encore, le constat est posé des deux superpuissances, les Etats-Unis et la Chine, qui « ont décidé de ne plus respecter les règles du commerce ». S’ils veulent échapper au décrochage et à l’« appauvrissement », les Européens doivent à leur tour investir massivement, et surtout en commun, dans l’innovation, les nouvelles technologies, l’intelligence artificielle et la décarbonation.

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Aucun de ces thèmes n’est véritablement nouveau dans la rhétorique présidentielle. Les partenaires européens les plus attachés au lien transatlantique s’inquiéteront sans doute de l’accent mis sur le fossé creusé avec les Etats-Unis. Mais le constat lucide dressé dans ce discours coïncide avec les diagnostics établis ces derniers jours par les anciens premiers ministres italiens Enrico Letta et Mario Draghi et, jeudi, par le chef de la diplomatie polonaise, Radoslaw Sikorski. Tous appellent à des changements radicaux pour une Europe trop lente à prendre en compte les profonds bouleversements mondiaux.

Le chancelier Olaf Scholz a opportunément salué, dès jeudi, les « bonnes impulsions » contenues dans le discours de son collègue français. Il reste à déterminer lesquelles, et surtout à se mettre d’accord, enfin, sur un plan d’action susceptible de bâtir l’« Europe puissance ».

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Le Monde

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