POLITIQUE – Prenez un événement prévu de longue date, mais qui a dû s’adapter à une nouvelle donne. Ajoutez un parti qui organise un rassemblement pour contester une décision de justice, et des formations rivales qui décident de descendre dans la rue en réaction à ce même rassemblement, et obtenez un dimanche 6 avril aux allures de multiplex politique.
À la mi-journée, ce sont les militants de gauche qui ont ouvert le bal. Réunis place de la République en réaction à la manifestation organisée par le Rassemblement national place Vauban en soutien à Marine Le Pen, plusieurs milliers de sympathisants de gauche ont répondu à l’appel relayé par la France insoumise et les Écologistes à défendre l’État de droit face à l’extrême droite qui, depuis la condamnation de leur championne pour détournement de fonds publics, pilonne l’institution judiciaire.
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Pour Manuel Bompard, coordinateur national de La France insoumise, le parti lepéniste a montré son « vrai visage » cette semaine. « L’extrême droite est un parti dangereux pour la démocratie, pour l’État de droit. C’est un parti violent, qui menace, y compris les juges, quand les décisions ne leur conviennent pas », a-t-il dénoncé sur place, avant de revendiquer sur le réseau social X 15 000 manifestants.
Un chiffre repris par la cheffe des Écologistes, Marine Tondelier. « Nous étions 15 000 à République. Jordan Bardella annonce 10 000 à Vauban. Pari réussi », s’est elle félicitée, appelant à reproduire l’exercice la semaine prochaine. Selon une source policière citée par l’AFP, l’événement organisé par une gauche divisée a plutôt réuni 3 000 personnes.
À près de cinq kilomètres de là, place Vauban, le RN saluait une mobilisation réussie. « Vous êtes plus de 10 000. 10 000 à avoir répondu présents à l’appel de la démocratie », a lancé depuis la scène Jordan Bardella, en gonflant manifestement un nombre rapidement démenti par les images prises par la presse sur place.
« Tu voles, tu payes »
Sur le fond, en revanche, rien de nouveau en terres lepénistes. Marine Le Pen, condamnée pour détournement de fonds publics dans l’affaire des assistants parlementaires, a dénoncé une « chasse aux sorcières » visant à l’empêcher de se présenter en 2027. « Ce n’est pas une décision de justice, c’est une décision politique » qui a « non seulement bafoué l’État de droit, mais aussi l’État de démocratie », a-t-elle dénoncé.
En quasi simultané, c’est Gabriel Attal qui s’exprimait depuis la cité du cinéma à Saint-Denis, à l’occasion du « grand meeting » programmé depuis plusieurs semaines, mais qui, au regard de l’actualité, a été converti en événement anti-RN. L’occasion pour le leader du parti présidentiel de répondre à distance à la présidente du groupe RN à l’Assemblée. « Nous, ici, nous ne disqualifierons jamais une décision de justice », a lancé le député des Hauts-de-Seine, entouré de François Bayrou et Édouard Philippe. L’ancien Premier ministre a profité de l’occasion pour recycler l’un des slogans favoris, mais pour l’appliquer à Marine Le Pen, comme vous pouvez le voir dans la vidéo ci-dessous.
« Le Rassemblement national demande de la fermeté pour tous, sauf pour lui. C’est un parti qui considère qu’il faut l’immunité pour personnes sauf pour Madame Le Pen. Comment être crédible avec un mineur délinquant si les politiques ne respectent pas les règles (…). Tu voles, tu paies, surtout quand tu es un responsable politique ! », a-t-il lancé. Avant lui, le président des Jeunes avec Macron Ambroise Mejean a lui aussi versé dans la bataille des chiffres.
« Le chiffre est précis, il est impressionnant. Depuis ce matin, nous sommes 8 853 Français. 8 853 Français fiers de leurs valeurs ! 8 853 fois merci ! », a-t-il salué depuis la scène, en pied de nez aux pronostics du RN, qui n’imaginaient pas le parti présidentiel faire salle comble. « Une salle de kermesse de 40 places aurait été beaucoup plus appropriée », avait ricané par avance le député de la Somme Jean-Philippe Tanguy.
Force est de constater que Renaissance a fait plus, et que ce qui était présenté comme la riposte « populaire » du RN a eu du mal à mobiliser comme le parti l’aurait souhaité. Quant à la gauche, elle a d’ores et déjà prévu plusieurs rassemblements contre l’extrême droite jusqu’au 1er mai.
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