dimanche, mai 19

Les thuriféraires des armes nucléaires affirment que les tensions internationales actuelles remettent en lumière leur « centralité », et que la « dissuasion nucléaire reprend tout son sens ». C’est une vision déformée de la réalité. Si les armes nucléaires permettent à la Russie d’agresser des Etats souverains non dotés d’armes nucléaires, on le doit à la nature intrinsèquement terroriste des armes nucléaires. En légitimant le concept d’une défense dont la « clé de voûte » est la dissuasion nucléaire, programmée pour commettre des massacres de civils, fût-ce en invoquant illicitement la légitime défense, comment ne pas rendre cette arme « suprême » attractive pour les pays prédateurs ?

Ces dernières semaines ont vu resurgir des plaidoyers sans nuances en faveur de la dissuasion nucléaire, en réaction aux tensions provoquées par l’agression russe contre l’Ukraine. Commentant son dernier ouvrage, Pax atomica ?, dans un entretien au Monde, Bruno Tertrais affirme que « [l]e durcissement du contexte international nous fait redécouvrir la centralité des armes nucléaires ».

Lire aussi la tribune | Article réservé à nos abonnés Envoi de militaires en Ukraine : « Plutôt que de s’indigner des propos du président français, il importe d’envisager le pire »

Après avoir minimisé les menaces russes, conformes à la doctrine de dissuasion, y compris le déploiement d’armes nucléaires russes en Biélorussie, il cite l’augmentation du nombre de patrouilles des sous-marins nucléaires français, l’accroissement des arsenaux chinois, « la maturation des forces nucléaires indienne, pakistanaise et nord-coréenne », et le rapprochement du seuil nucléaire par l’Iran.

En conclut-il que le risque nucléaire est devenu plus élevé que pendant la guerre froide, comme l’ont déclaré le secrétaire général de l’ONU et de nombreux dirigeants et experts ? Non, il répète le mantra de la dissuasion nucléaire : si les grandes puissances ne se font plus la guerre, c’est grâce à l’arme nucléaire, car celle-ci « continue de jouer – de manière risquée, certes – un rôle stabilisateur en rendant extrêmement improbable, car trop coûteux, l’affrontement militaire à grande échelle entre les Etats qui en sont dotés ».

Un discours rassurant de plus en plus isolé

Dans sa chronique parue le 7 février sur le site du le Monde, Sylvie Kauffmann se demande si l’Ukraine n’aurait pas été agressée par la Russie au cas où elle aurait conservé « ses » armes nucléaires. Certes les pressions des trois dépositaires du traité de non-prolifération (Etats-Unis, Royaume-Uni et Russie) ont été fortes sur l’Ukraine, qui hébergeait quelque 4 000 ogives. Mais, à aucun moment, l’Ukraine n’a exercé le moindre contrôle sur ces armes dont Moscou a toujours conservé les codes, et Kiev n’aurait jamais pu même menacer de les utiliser en défense contre une agression, sans parler des coûts, de la technologie et des matières fissiles pour leur entretien, qui n’étaient pas à sa portée.

Il vous reste 62.52% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Partager
Exit mobile version