Il y a un an, Gabriel Attal était le nouveau ministre de l’éducation nationale et il plaçait sa première rentrée scolaire sous le sceau de l’interdiction de l’abaya à l’école. Une mesure forte, diffusée aux chefs d’établissement et aux enseignants par note de service et expliquée aux parents d’élèves dans un courrier. Plusieurs syndicats et associations contestaient alors cette mesure devant le Conseil d’Etat, qui rejetait successivement un « référé liberté », le 7 septembre 2023, et un « référé suspension », le 25 du même mois.
Un an a passé, Gabriel Attal est devenu premier ministre puis simple député et l’abaya ne fait plus la une des journaux. Le Conseil d’Etat, lui, reste saisi des trois requêtes en annulation de la note de service du 31 août 2023 déposées respectivement par Action droits des musulmans, Le Poing levé et La Voix lycéenne, et enfin Sud Education. Les trois requêtes, bien que reposant sur des moyens différents, ont été regroupées et examinées en audience toutes ensemble, lundi après-midi 9 septembre, par la section du contentieux.
Dans son exposé, le rapporteur public, Jean-François de Montgolfier, qui fait office de procureur indépendant auprès du Conseil d’Etat, a recommandé le rejet des trois requêtes. Selon lui, les demandes de rejet s’articulent autour de trois arguments : l’incompétence du ministre à prendre une telle mesure, le caractère ambivalent de l’abaya, et enfin l’existence d’une norme juridique supérieure, l’européenne, empêchant l’application de la note de service ministérielle. Il les a écartés les uns après les autres.
Bien qu’elle ne mentionne pas explicitement l’abaya, la loi de 2004 interdisant les vêtements et signes religieux « ostensibles » à l’école s’applique bien, pour le rapporteur public, dans le cas de l’abaya. Cette dernière, tout comme le qamis, mentionné également dans la note de service du 31 août 2023, a beau être un vêtement traditionnel et pas forcément religieux, la façon dont elle est portée en France l’identifie à la religion musulmane. Il ne peut donc y avoir d’ambiguïté. Par ailleurs, une décision du 5 décembre 2007 du Conseil d’Etat valide déjà l’interdiction du port du turban sikh et du bandana comme vêtements religieux. Le raisonnement est le même pour l’abaya. Le ministre de l’éducation nationale est donc compétent pour l’interdire, tout comme il l’a déjà fait pour le voile, la kippa, les grandes croix ou le turban dans des circulaires passées.
« Lien étroit entre l’abaya et le voile »
Deuxième catégorie d’arguments : l’abaya n’étant pas un vêtement clairement identifié ni défini − robe traditionnelle, cape, kimono, etc. −, son interdiction reviendrait à faire de la discrimination en ciblant les filles musulmanes vêtues de robes amples et non les autres qui seraient épargnées par l’interdiction. M. de Montgolfier assure qu’en un an, il a relevé un seul cas de procédure devant la justice contestant le caractère religieux du port d’une abaya présumée, « sans exclure les éventuelles difficultés d’application [du règlement] rencontrées ».
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