dimanche, juin 30

A trois jours du premier tour d’élections législatives historiques, Marine Le Pen a fait monter la tension sur une possible cohabitation en réduisant la fonction de chef des armées du président de la République à un simple « titre honorifique », des propos implicitement assumés par Jordan Bardella mais vivement dénoncés par Gabriel Attal et le Nouveau Front populaire.

En cas de franc succès du parti d’extrême droite, Marine Le Pen a esquissé, dans un entretien au Télégramme, une cohabitation rugueuse: « Chef des armées, pour le président, c’est un titre honorifique puisque c’est le Premier ministre qui tient les cordons de la bourse ». Conséquence, selon elle: « sur l’Ukraine, le président ne pourra pas envoyer de troupes », alors qu’Emmanuel Macron a refusé d’exclure cette option.

La probable candidate à la présidentielle de 2027 a certes semblé nuancer cette déclaration quelques heures plus tard sur X, évoquant « le domaine réservé du Président de la République ». Mais elle a maintenu que le chef du gouvernement a « par le contrôle budgétaire le moyen de s’opposer » à l’envoi de troupes à l’étranger.

« C’est le Premier ministre qui décide du budget de fonctionnement des armées », a martelé Jordan Bardella lors d’un ultime débat télévisé avec le socialiste Olivier Faure, qui représentait le Nouveau Front populaire, et Gabriel Attal.

Ces déclarations ont fait bondir ce dernier. En cas de victoire du RN et de cohabitation, « il y aurait une forme de dispute entre le Premier ministre et le président de la République pour savoir qui a le rôle de chef des armées », s’est-il alarmé. « C’est un message envoyé aux puissances mondiales, au monde entier, qui est un message très grave pour la sécurité des Français ».

Lors des trois précédentes cohabitations de la Ve République, le président avait conservé de larges pouvoirs en matière de politique internationale et de défense, en vertu du « domaine réservé ».

Mais cette fois-ci, met en garde Olivier Faure, le parti d’extrême droite veut « tout prendre ».

Dans une déclaration à l’AFP, le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’est cependant dit convaincu que « le prochain gouvernement continuera à soutenir pleinement l’Ukraine » et ce « quelle que soit la situation politique ».

– Deux millions de procurations –

Une nouvelle cohabitation, avec Jordan Bardella à Matignon, passe par l’obtention d’une majorité absolue pour le RN en sièges à l’Assemblée à l’issue du second tour le 7 juillet.

Pour l’instant, l’extrême droite est donnée largement en tête du premier tour dimanche, avec 36% des intentions de vote, selon une enquête Ipsos-Fondation Jean-Jaurès-Cevipof-Institut Montaigne pour Le Monde portant sur près de 12.000 personnes.

Selon cette vaste étude, qui ne propose pas de projections en sièges, la gauche rassemblerait 29% des voix, le camp macroniste 19,5% et LR 8%.

Le « poids » du RN « est tellement élevé qu’il peut non seulement envisager une majorité relative, mais qu’on ne peut pas exclure, loin de là, une majorité absolue », souligne le sondeur Brice Teinturier (Ipsos) auprès de l’AFP.

Mais les 577 élections, dans chaque circonscription, recèlent de nombreuses inconnues, les équations étant par ailleurs appelées à être profondément bouleversées entre les deux tours selon les maintiens, désistements voire consignes de votes.

Une majorité seulement relative ouvrirait la perspective d’un éventuel blocage institutionnel, renforcée par le refus de Jordan Bardella de constituer un gouvernement s’il ne dispose pas d’une majorité absolue.

L’intérêt pour ces législatives anticipées ne se dément pas: deux tiers des électeurs prévoient d’aller voter dimanche, selon Ifop-Fiducial, ce qui correspondrait au meilleur taux de participation à ce type d’élections depuis 1997.

Preuve de cet engouement, la barre des deux millions de procurations a été franchie mercredi soir et plus de 410.000 Français de l’étranger ont pris part au vote en ligne, clos ce jeudi midi (contre 250.000 en 2022), un record.

– Vifs échanges –

Les échanges ont souvent été vifs lors du dernier débat télévisé.

Gabriel Attal a accusé son rival d’extrême droite d’avoir présenté aux législatives « une centaine de candidats » ayant tenu « des propos racistes, antisémites et homophobes », ce que le leader du RN a récusé en bloc.

Le Premier ministre a également dénoncé la volonté du RN de « stigmatiser 3,5 millions de Français binationaux » en leur interdisant l’accès à certains emplois jugés « stratégiques ».

« Caricature », a répliqué M. Bardella, estimant que son adversaire « a intérêt à jouer sur les peurs » et assurant qu’il ne souhaitait « pas remettre en cause la double nationalité ».

Interrogé sur celui qui pourrait accéder à Matignon en cas de victoire, Olivier Faure a assuré qu’il faudrait « une force tranquille, une force qui sait où elle va ». « Je serai donc le Premier ministre de tous les Français pour engager le redressement du pays », a immédiatement rétorqué Jordan Bardella.

En attendant, des manifestations pour faire barrage au Rassemblement national ont de nouveau eu lieu dans plusieurs grandes villes de France, réunissant plusieurs milliers de personnes, selon un décompte de l’AFP.

pab-far-lum-sde/gbh/gvy

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