jeudi, juillet 4

Au pied des cités du Mirail, à Toulouse, les grilles de l’ancien collège Raymond-Badiou laissent entrevoir non plus une cour de récréation, mais de denses herbes hautes courbées par le vent, en ce début du mois de juin. Le collège a été totalement fermé en 2020 et une partie laissée en jachère. Les adolescents du quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) Grand Mirail ne font plus leur scolarité dans cet établissement ghettoïsé, où des problèmes de violence avaient cours, mais sont répartis dans une dizaine d’établissements plus favorisés, dont deux neufs.

Au petit matin des jours d’école, les adolescents se pressent, sacs sur le dos, pour ne pas rater le bus affrété par le département qui les conduit à leur collège d’affectation. Ce jeudi de juin, Ayoub, Adam, Wael, Tania (les élèves interrogés n’ont pas donné leurs noms) et leurs copains s’assoient dans le fond du car, direction le collège Bellevue. « C’est la routine », confient-ils encore un peu ensommeillés. Une quarantaine de minutes de trajet les attend pour rejoindre cet établissement construit à flanc de coteau dans un grand parc arboré, où se côtoient désormais fils de chirurgien et d’aide-soignant, filles d’ingénieur et d’ouvrier.

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Comme eux, près de 1 700 adolescents ont bénéficié du plan mis en place en 2017 par le conseil départemental de Haute-Garonne, socialiste, appuyé par le rectorat, pour favoriser la mixité sociale et scolaire dans les collèges de la ville. L’ambition est à la fois de brasser les populations et d’agir sur les trajectoires des élèves, alors que la France reste l’un des pays où les inégalités de naissance conditionnent le plus les parcours scolaires et où des mécanismes d’entre-soi sont à l’œuvre.

Un car scolaire attend les collégiens à 7 h 15 devant l’école Buffon, dans le quartier Lafourguette à Toulouse pour les emmener au collège Bellevue, le 6 juin 2024.

Les élèves de 3e croisés dans le bus puis dans l’établissement racontent des mondes qui se mélangent peu. Si Douaa aime retrouver en ville ses copines des différents quartiers, Tania n’a pas la même expérience. « Certains ont des grandes maisons, des piscines… Il y a une barrière entre nous », juge la collégienne. Ayoub résume un avis partagé par nombre d’élèves : « On rencontre de nouvelles personnes, mais c’est vrai qu’on ne parle pas des mêmes choses en général, on n’a pas les mêmes loisirs. » Lui, comme d’autres, a pu parfois entendre des « sales Arabes » au cours de sa scolarité. Ayoub ne l’a pas signalé. « C’est comme ça. Cela vient d’une minorité », élude le presque lycéen, préférant continuer à blaguer avec ses amis.

« Cohabitation paisible »

Dans le centre-ville, le principal du collège Pierre-de-Fermat, qui fait également partie du dispositif, parle, lui, de « cohabitation paisible ». « La mixité a pris toute sa place en classe ou dans l’association sportive, relate Patrick Massové. Elle est moins développée en dehors de l’école, pour faire les boutiques ou fêter les anniversaires. »

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