dimanche, juin 30

Au moment de raconter son expérience de la veille, Claude Naas est prise par l’émotion. Elle saisit tout de même le micro devant la soixantaine de personnes réunies dans une salle de Saint-Dié-des-Vosges pour le lancement de campagne de la candidate du Nouveau Front populaire (NFP), Julie Xicola. Le regard dans le vide, cette militante La France insoumise (LFI) de 53 ans revit ce porte-à-porte de fin de journée dans les HLM d’une commune voisine qui ne s’est pas passé comme prévu. « Ça m’a découragée, reconnaît-elle. Je m’attendais à voir des gens qui croyaient en nous. Mais c’était le dépit total. On a beau se présenter avec les meilleures valeurs, on se retrouve face à des gens qui ne croient plus en rien, ni en aucun candidat. J’étais réellement choquée de certaines réactions très agressives. »

La plupart des électeurs rencontrés voteront pour le Rassemblement national (RN) les 30 juin et 7 juillet prochains. « Ce n’étaient pas forcément des gens mauvais ou racistes, mais juste des personnes exclues du système, qui se sentent abandonnées. Ils voient le RN comme leur ultime sauveur, leur dernière chance de s’en sortir », analyse Claude Naas. La militante, arrivée dans les Vosges en 2007, a pourtant essayé d’ouvrir le dialogue.

Elle aussi a constaté l’« effondrement » des services publics. Au chômage pour des raisons de santé, elle a connu les « galères de l’emploi » : elle avait illégalement enchaîné six CDD chez un précédent employeur « sans possibilité de les attaquer en justice, évidemment ». Mais son témoignage n’a pas permis de poursuivre les conversations face à des individus « à l’esprit tellement fermé », regrette la militante de gauche. « Ce sont des gens qu’on a définitivement perdus », conclut-elle en aparté après le meeting.

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Dans la 2e circonscription des Vosges, Saint-Dié et ses vingt mille habitants faisaient jusque-là office de digue ultime à l’arrivée du RN au pouvoir. La preuve aux dernières élections législatives, en 2022 : David Valence (Parti radical de droite, apparenté Renaissance) avait remporté le second tour à 50,5 % des voix face au candidat d’extrême droite, Gaëtan Dussausaye, soit à 342 voix près. L’ancien maire de la ville était même donné perdant en fin d’après-midi avant que les résultats de la capitale mondiale de la géographie et ses 1 500 bulletins d’avance sur son adversaire direct (63 % contre 37 %) ne le sauvent.

Sentiment de déclin

Deux ans plus tard, les élections européennes ont démontré que le vote RN avait encore grimpé dans la région. Dans la circonscription, l’extrême droite a été plébiscitée par 51 % des électeurs. Et Saint-Dié n’a pas résisté à la vague : la liste de Jordan Bardella a recueilli 36 % des voix, celle de Marion Maréchal 5,5 %. « C’est simple, aux législatives, David Valence était en tête dans les quatorze bureaux de vote à Saint-Dié. Pour les européennes, c’était Bardella dans tous les bureaux », résume Bruno Toussaint, maire sans étiquette (anciennement Parti radical de droite) de la commune.

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