lundi, juillet 1

Sur les hauteurs de Gap et de Sisteron, on peut serpenter des kilomètres dans la montagne sans croiser âme qui vive. A Bruis, quatre-vingt-cinq habitants, l’inaccessible donjon du XIIe siècle domine les bâtisses de pierre du village historique. Au cœur du parc naturel régional des Baronnies provençales, dans les Hautes-Alpes, on vit comme dans une réserve, au milieu d’une nature indomptée qui réveille des angoisses du fond des âges.

« Le soir, quand les loups se mettent à hurler, j’ai les poils qui se hérissent », raconte Florent Latil, 41 ans. L’éleveur (cent vingt brebis, trente vaches), piercing et polaire orange fluo, garde un œil sur ses fils d’une dizaine d’années qui viennent en quad chercher du bois pour le poêle, stocké sous un vaste hangar ouvert sur la montagne. « Ici, cet hiver, l’un de mes ouvriers a vu un loup s’approcher », raconte le père de famille. Quand la nuit tombe, les meutes passent parfois au fond du champ qui s’étale devant sa maison.

Dans la nuit du 1er octobre 2023, cinq loups ont attaqué les vaches qu’il laisse paître sur 80 hectares à flanc de montagne. « J’ai été alerté vers 22 heures par une voisine et j’ai retrouvé une première vache morte, la patte arrachée, 200 mètres plus loin. L’un des veaux manquait, impossible de retrouver sa carcasse dans le noir », relate-t-il, la voix étranglée.

Impuissant à protéger ses bêtes

Le lendemain matin, l’inspectrice de l’Office français de la biodiversité (OFB), « la police de l’environnement », chargée d’expertiser les plaies afin que les éleveurs soient indemnisés, est venue dresser le constat d’attaque – le 737e depuis janvier 2023 dans les Hautes-Alpes. Florent Latil n’avait pas dormi de la nuit. Il était à bout, se sentait seul au monde, impuissant à protéger ses bêtes. « Pas une fois elle ne m’a demandé si cela m’avait affecté », glisse-t-il.

D’autres attaques ont suivi chez Florent Latil, mais l’OFB s’est opposé à ce que des tirs de défense soient pratiqués par les lieutenants de louveterie, des agents bénévoles de l’Etat nommés par le préfet et chargés de réguler la faune sauvage et d’abattre des animaux causant des dégâts. L’office a considéré que l’éleveur, qui n’avait pas retiré les carcasses des vaches, « appâtait » les prédateurs pour mieux les éradiquer.

Face aux agents, Florent Latil a explosé et alerté un collègue, membre de la Coordination rurale (le deuxième syndicat agricole après la FNSEA, qui se dit apolitique mais est souvent jugé proche de l’extrême droite). Le 18 octobre 2023, à l’appel de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) des Hautes-Alpes, dirigée par René Laurans, et de la Coordination rurale 05 (CR05), une centaine d’éleveurs a manifesté devant le siège local de l’office pour dénoncer le « militantisme » pro-loups de certains agents. Florent Latil, qui n’a jamais été syndiqué nulle part, était présent.

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