jeudi, octobre 3

Près de deux mois après avoir fui, Vera Belobrova vit encore en état de choc. A Koursk, la capitale de la région russe partiellement occupée par l’armée ukrainienne depuis son attaque le 6 août, cette frêle grand-mère de 85 ans raconte les drones sur son petit village près de la frontière, sa maison détruite et son potager abandonné, sa cachette avec des enfants dans le monastère local ciblé par les tirs ennemis, la longue marche à travers la forêt, la voiture récupérant quelques rescapés en fuite. Puis l’arrivée à Koursk où, désormais, Vera Belobrova vit dans un centre d’hébergement provisoire au fond du parc de l’une des universités de la ville. « J’ai survécu à la guerre de 1941-45 et voilà que l’horreur recommence », murmure-t-elle entre deux sanglots.

Dans son récit, la babouchka mêle ses souvenirs d’enfance de 1943, date de la grande bataille de Koursk entre l’armée rouge et l’Allemagne nazie, et ceux de sa fuite d’août avec l’un de ses petits-fils. Assise sur un lit métallique dans une chambre partagée avec trois autres femmes évacuées, elle cogne d’une main son front, serre de l’autre son mouchoir.

Vera Belobrova parle dans un mélange de russe et d’ukrainien car, comme beaucoup d’habitants de cette région frontalière, sa vie et sa famille sont déchirées entre les deux pays. Sa fille est depuis longtemps installée à Kharkov, la ville ukrainienne visée par l’armée russe. « Là-bas aussi, c’est la guerre et les gens souffrent », glisse-t-elle. Dans les propos de Vera Belobrova, se bousculent ses mots à elle mais aussi les formules répétées à la télévision russe, sur « la victoire contre les nazis », en 1943 comme en 2024.

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Selon le discours officiel, la contre-offensive progresse

Habituée à vivre modestement, Vera Belobrova et les quelque 500 réfugiés installés à l’université agraire de Koursk se disent satisfaits des conditions d’accueil. La vie s’écoule entre les salles de dortoirs et une cantine avec trois repas par jour. Dans une classe, un père veille sur les enfants qui, loin de leur école de village, suivent des cours dispensés en distanciel, regards rivés sur manuels et tablettes offerts par la région. Dans la cuisine et la laverie, s’alignent fours à micro-ondes et machines à laver le linge. Ils sont flanqués de larges étiquettes aux couleurs de… « Russie Unie ». Le parti du Kremlin finance ces équipements. Et il veille au bon accueil des réfugiés.

La cafétéria de l’Université agricole de Koursk, où un point d’hébergement temporaire pour les personnes déplacées de la région de Koursk a été établi. A Koursk, en Russie, le 26 septembre 2024.

« Pas des réfugiés. Des déplacés. C’est temporaire », corrige avec empressement Alexandre Moussial, le recteur de l’université qui, lui-même membre de Russie Unie, est l’organisateur en chef. Il a mobilisé étudiants et professeurs. « Nous avons confiance en notre armée pour que, rapidement, tous puissent bientôt rentrer à la maison », assure-t-il. Le discours officiel, répété à la télévision dans ce centre d’accueil comme à travers la Russie, affirme que la contre-offensive progresse.

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