dimanche, juin 30

Des centaines de milliers d’euros, des sociétés au Qatar ou aux Etats-Unis, des voitures de luxe et une bague de fiançailles : c’est une affaire d’une ampleur financière conséquente, et surtout emblématique des arnaques autour du compte personnel de formation (CPF) qui vient d’être jugée, mardi 25 juin, par le tribunal correctionnel d’Evry (Essonne).

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Depuis 2019, le crédit formation, jusqu’ici comptabilisé en nombre d’heures, est devenu directement monétisable, au libre accès du salarié. A lui donc d’utiliser l’argent présent sur son compte personnel de formation pour financer celle de son choix. Mais la caisse des dépôts et consignations (CDC), qui pilote le dispositif, n’avait pas anticipé l’attrait exercé par cette manne financière conséquente, et l’émergence de tout un écosystème d’arnaques en tous genres.

Ousman C. en est un exemple. Dès 2020, ce jeune entrepreneur local ajoute à son entreprise de graphisme un nouvel objet social, la formation professionnelle pour adultes. Il a aussi recours à une association qu’il avait créée en 2016, Formatech. Il en est le président, sa mère la secrétaire. Grâce à ces deux structures, il va proposer un système simple à ses « clients » : lui se charge de déclarer une formation et d’établir des documents attestant qu’elle a lieu. Les clients, souvent démarchés par des « apporteurs d’affaires », souscrivent, par le biais de leur compte CPF, à cette formation fictive. Formatech garde 50 % de la somme, et leur reverse 40 % du produit en cash. Les 10 % restants servent à rémunérer l’intermédiaire.

« Remboursement matériel informatique »

L’offre, promue sur les réseaux sociaux, attire des clients par centaines. « Sur un préjudice établi à trois millions d’euros, si on compte le maximum du CPF, soit 5 000 euros, on arrive à 600 personnes » , note Me Georges Holleaux, avocat de la CDC. Les « clients » auditionnés sont nombreux, face aux enquêteurs, à avoir reconnu n’avoir suivi aucune réelle formation. Nombreux, aussi, à avoir eux-mêmes fait profiter leurs proches, parents ou amis, de ce « bon plan ».

« Une dame explique par exemple : “J’ai vu passer des publications sur les réseaux sociaux en rapport avec le CPF, publications qui laissaient penser qu’on pouvait récupérer de l’argent. J’ai sauté sur l’occasion, cet argent m’a dépanné” », cite Me Holleaux. Les publics ciblés sont souvent précaires et peu au fait de la législation.

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Ousman C., lui, n’a pas de soucis de fin de mois, au contraire. Durant deux ans, sa combine tourne à plein et lui offre de très conséquentes rentrées d’argent. Entre 2020 et 2022, le compte en banque de Formatech est alimenté à 99 % par des versements de la CDC au titre du CPF : 1 167 virements, pour un total de 2,25 millions d’euros. Une partie repart aussitôt sur le compte personnel du patron de Formatech, qui se verse ainsi 390 000 euros en plusieurs virements aux libellés fantaisistes : « Séminaire Londres », « Remboursement matériel informatique » …

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