samedi, mai 18
Le hall d’entrée de la Bourse du travail de Bordeaux, le 21 mars 2024.

De l’extérieur, la façade Art déco impressionne. A quelques pas de la place de la Victoire, à Bordeaux, la Bourse du travail, inaugurée le 1er mai 1938, s’élève fièrement. Mais une fois ses portes poussées, le choc est de taille. Dans l’imposant hall, des gravats sont encore là, provenant de la partie effondrée du plafond. En novembre 2023, les pluies torrentielles qui ont inondé la capitale girondine n’ont pas épargné le bâtiment.

« Habituellement, quand il pleut sur la toiture plate, il y a des infiltrations partout. L’eau pénètre jusque dans le hall, quatre étages au-dessous », raconte, dépité, Stéphane Obé, secrétaire général de l’Union CGT de la Gironde. Et les dégâts ne s’arrêtent pas là. Le délégué syndical en fait l’inventaire, dans cet édifice emblématique de 6 000 mètres carrés, signé par l’architecte Jacques d’Welles, hébergeant, entre autres, les bureaux de toutes les organisations syndicales du département.

Les dégâts les plus spectaculaires sont situés dans la salle Ambroise Croizat. Cette ancienne salle de spectacle et de projection de 1 200 places, ornée de somptueuses fresques et moulures, accueillait des événements jusqu’en 2010, avant que son état l’interdise. Depuis un diagnostic réalisé fin 2023 et la détection d’amiante, impossible d’y accéder. Stéphane Obé présente fièrement le patrimoine qui s’offre devant lui, désormais invisible au grand public. « Nous partons d’une vision syndicale qui nous est propre, avec une répartition des richesses. Et, à l’instar de la richesse matérielle, pécuniaire, nous disons aussi que la culture, l’art, est une richesse qu’il faut partager », rappelle-t-il.

Quinze ans de réfection

A l’époque de sa création, la Bourse du travail est bâtie « par les travailleurs, pour les travailleurs », avec l’objectif d’être en plus un lieu de culture et d’« émancipation », selon Stéphane Obé. Corinne Versigny, membre du collectif de sauvegarde de la Bourse du travail, précise que celle de la cité girondine est « l’une des seules en France qui mélange le patrimoine culturel vivant avec la lutte ouvrière. Cela a une résonance très forte pour les travailleurs. La Bourse du travail de Bordeaux est née de cette ­nécessité d’avoir un lieu pour les ouvriers, où ils puissent se retrouver pour chercher du travail, poser leurs revendications, se former, s’organiser… Avec cette idée que la culture devait se démocratiser, s’offrir au plus grand nombre, et pas uniquement à une élite. »

La ville de Bordeaux, propriétaire du bâtiment, en offre à l’origine la gestion exclusive à l’Union départementale de la CGT. A partir de 1940, l’occupation allemande contraint la CGT de partir, les ­syndicats étant déclarés illégaux. « Les Allemands envahissent le lieu, où sont alors menés des interrogatoires des personnes arrêtées », raconte Corinne Versigny. A la Libération, la CGT reprend possession de la Bourse du travail. Mais les maires qui se succèdent voient cet espace d’un mauvais œil, selon la CGT. « Le syndicat a connu une bataille avec Alain Juppé [maire de 1995 à 2004 et de 2006 à 2019], car il y a eu des velléités politiques de raser le bâtiment. Avant, une bataille juridique s’était déroulée sous Jacques Chaban-Delmas [maire de 1947 à 1995], qui voulait remettre en question la gestion unique par la CGT de la Bourse du travail », explique Stéphane Obé.

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