Les deux gigantesques arches jaunes dominent la ligne d’horizon à Belfast, en Irlande du Nord. Surnommées « Samson et Goliath », elles servent à soulever les gigantesques pièces utilisées dans la construction de navires sur les chantiers navals Harland & Wolff. Elles sont aussi devenues le symbole d’une entreprise au bord du gouffre.
Fin juin, la société n’est pas parvenue à livrer des comptes audités pour l’année 2023, menant à la suspension de la cotation de son action à la Bourse de Londres. Elle est en effet lourdement endettée et cumule les mauvais résultats. En 2023, elle a réalisé une perte de 43 millions de livres (50,3 millions d’euros), selon ses comptes non audités. En 2022, elle avait déjà perdu 70 millions de livres.
La société, qui emploie 1 500 personnes, espérait se refinancer grâce à un emprunt de 200 millions de livres garanti par l’Etat. Des pourparlers étaient en cours, mais la nouvelle administration travailliste du premier ministre, Keir Starmer, a annoncé fin juillet que l’Etat ne s’en mêlerait pas, évoquant « un risque considérable que l’argent du contribuable soit perdu ».
110 millions de livres de dettes
Le PDG de la firme, John Wood, a démissionné et, début août, le groupe annonçait la cessation de ses activités non essentielles, dont une nouvelle ligne de ferrys rapides vers les îles Scilly. Il a aussi trouvé une solution intérimaire avec son principal bailleur, le gestionnaire de fonds américain Riverstone, pour emprunter 20 millions de livres supplémentaires. Sa dette atteint désormais 110 millions de livres, à un taux d’intérêt prohibitif de 14 %.
Ce n’est pas la première fois que Harland & Wolff rencontre des difficultés financières. Créée en 1861 par Edward James Harland et Gustav Wolff, l’entreprise s’est rapidement retrouvée à la tête de l’un des principaux chantiers navals d’Europe. « Elle s’est spécialisée dans la construction de paquebots océaniques, indique Edward Shaw, expert de l’industrie navale à l’université de Liverpool. Elle se trouve notamment à l’origine du Titanic. »
Pour se distinguer de ses compétiteurs, « elle a acquis de nombreuses technologies non éprouvées et des autres chantiers navals, s’endettant lourdement », raconte-t-il. Cela lui a permis de révolutionner la construction de paquebots, notamment en remplaçant le pont en bois par du fer, une matière plus solide, et en créant des coques à fond plat, dotées d’une capacité plus importante.
Durant la seconde guerre mondiale, la firme a construit une part importante des navires de guerre, tanks et bombardiers de l’armée britannique, y compris le célèbre HMS Belfast, qui a joué un rôle-clé lors du Débarquement. A son apogée, elle employait 35 000 personnes à Belfast, Londres, Liverpool, Glasgow et Southampton. Mais, financièrement, elle n’est jamais vraiment parvenue à sortir la tête de l’eau. « Elle a toujours peiné à repayer ses dettes », glisse Edward Shaw.
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