Quelques jours après avoir condamné les propos de Gérald Darmanin, des avocats saisissent la justice. Un collectif de 29 avocats a déposé plainte ce jeudi 30 octobre contre le garde des Sceaux pour prise illégale d’intérêt devant la Cour de Justice de la République, a appris BFMTV.
Dans ce document de dix pages que nous avons vu consulter, il est fait état des déclarations de Gérald Darmanin parues dans la presse dont son intervention sur France Inter le 20 octobre. Le ministre de la Justice avait alors déclaré son intention d’aller rendre visite à Nicolas Sarkozy, pour s’enquérir notamment de ses conditions de sécurité, ce qui s’est concrétisé mercredi dernier à 19 heures à la prison de la Santé.
« Un pouvoir implicite » inhérent à sa fonction
« En s’exprimant publiquement quant à sa volonté de rendre visite à Nicolas Sarkozy en détention ainsi qu’en lui apportant implicitement son soutien, Gérald Darmanin a nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d’administration ou de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet. (…) », écrivent les avocats signataires de cette plainte.
Si Gérald Darmanin a assuré à plusieurs reprises que sa position ne compromettait pas l’indépendance de la justice car il n’avait pas donné d’instructions aux magistrats, il n’est pas exclu, selon ces mêmes avocats, qu’il fasse usage de son influence.
« Gérald Darmanin, même s’il n’a pas de pouvoir de décision quant à la position du parquet dans l’affaire, a un pouvoir implicite du fait de son statut de supérieur hiérarchique. Il a donc sans nul doute un pouvoir de surveillance ou d’administration inhérent à sa qualité de ministre de la Justice », peut-on lire dans la plainte.
Dès lors, pour ces avocats, le garde des Sceaux a nécessairement fait peser une pression implicite sur les épaules des magistrats du parquet dont il est le supérieur et ce, dans un contexte particulièrement hostile à l’égard de la justice, estime ce collectif d’avocats.
Ils appuient leur démonstration avec les propos de Rémy Heitz, procureur général près la Cour de cassation sur France Info le 21 octobre. Le haut magistrat avait dit considérer une telle visite comme un risque d’atteinte à leur indépendance ainsi qu’à la sérénité de la justice et rappelé la nécessité de « préserver de toute influence l’intervention des magistrats dans un dossier aussi sensible ».
« C’est comme s’il prenait un intérêt dans la participation dans une opération dont normalement, il devrait garantir la neutralité », souligne Jérôme Karsenti, l’un des avocats signataires de la plainte auprès de BFMTV.
Une proximité des deux hommes qui interpelle
Ces avocats s’interrogent sur le véritable fondement de la visite de Gérald Darmanin à Nicolas Sarkozy. « La déclaration de Gérald Darmanin ne peut en réalité être décorrélée du reste de ses propos et du soutien qu’il a apporté à Nicolas Sarkozy, son ancien collaborateur et ami », poursuivent-ils, rappelant qu’ils « se connaissent de longue date. (…) Le ministre de la Justice a fait part de son soutien et de sa compassion, à l’égard de Nicolas Sarkozy pourtant condamné par la justice pour des faits graves ».
La plainte mentionne d’ailleurs la visite de Gérald Darmanin à Nicolas Sarkozy à son domicile quelques jours après le rendu de la décision de condamnation, démarche « inédite » pour un ministre de la Justice en exercice. Ce lien amical et personnel constitue pour le collectif d’avocats, « un intérêt moral, et plus précisément amical ».
« Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l’impartialité et l’objectivité de Gérald Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante », ajoutent-ils.
Pour Jérôme Karsenti, le ministre de la Justice se rend coupable d’une « atteinte grave » et « perd pied » comme nul autre de ses prédécesseurs. « Qu’un garde des Sceaux perde pied à ce point là dans notre histoire constitutionnelle, au point de confondre ses amitiés, ses intérêts personnels avec ses missions régaliennes est extrêmement grave pour l’état de droit ».
Pour le ministère, le garde des Sceaux « est dans son rôle »
Contacté, le ministère de la Justice n’a pas souhaité faire de commentaire. Il rappelle que « Gérald Darmanin, rendant visite à Nicolas Sarkozy à la Santé, est dans son rôle de chef de l’Administration pénitentiaire ».
Et affirme que « toutes les semaines, le Garde des Sceaux visite des lieux de détention, et échange avec des détenus ».
Article original publié sur BFMTV.com









